Nous abordons les thèmes ci-dessous dans la première édition 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur :

· Intervenir auprès des étudiants en difficulté : l’impact d’agir tôt;

· L’expérience des étudiants internationaux dans les cégeps du Saguenay-Lac-Saint-Jean;

· Abandon scolaire : la valeur des études universitaires non complétées sur le marché du travail;

· L’impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des étudiants universitaires LBGTQ+;

· Être mère tout en étant professeure : les défis rencontrés par ces femmes dans deux universités canadiennes;

Nous vous rappelons que vous pouvez accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici.

Au nom de toute l’équipe du Groupe de recherche en économie appliquée, bonne année 2022 !

Intervenir tôt chez les étudiants susceptibles de ne pas réussir le cours pourrait améliorer leurs résultats scolaires

La réussite des étudiants fait partie des priorités d’une université. Les services d’aide à la réussite viennent offrir un soutien aux étudiants qui le demandent. Est-ce qu’une intervention dès le début de la session chez les étudiants en difficulté favorise leur réussite ? C’est ce que Gordanier, Hauk et Sankaran (2019) ont investigué. Ils évaluent si une intervention précoce chez les étudiants évalués en difficulté améliorerait leurs résultats scolaires finaux.

Les auteurs ont utilisé des données provenant de classes d’introduction à la microéconomie et à la macroéconomie de l’Université de Caroline du Sud lors de la session de printemps 2017. Les étudiants de ces classes se voyaient assigner plusieurs évaluations hebdomadaires durant les quatre premières semaines de la session, afin d’évaluer leur réussite dans la classe. À la cinquième semaine, les étudiants qui obtenaient une moyenne en dessous de 70% [note finale nécessaire pour réussir le cours] étaient référés au service d’aide à la réussite de leur université. Le centre de services contactait par la suite directement les étudiants pour les inviter à prendre un rendez-vous avec un de leurs conseillers. Si l’étudiant acceptait, la rencontre permettait notamment d’avoir accès à des stratégies de gestion de temps et de techniques d’études et à des services de tutorat. Comme ces services étaient déjà accessibles en tout temps par les étudiants, le traitement expérimental de l’étude évalue la connexion entre les appels rapides du centre de services et la réussite des étudiants en difficulté.

Les auteurs utilisent un modèle de régression par design de discontinuité, comparant les résultats finaux des étudiants juste en dessous du seuil de 70% (ayant reçu un appel) avec ceux dont la moyenne était tout juste au-dessus (sans appel). Les auteurs rapportent que les résultats aux questions communes de l’examen final des étudiants du groupe ayant reçu des appels étaient de 6,5% à 7,5% plus élevés que ceux du groupe n’ayant pas profité de l’intervention. Les étudiants dont les résultats en mathématiques du niveau secondaire étaient sous la moyenne sont parmi ceux qui ont le plus bénéficié de l’intervention, augmentant leurs résultats de 17,4% comparativement à 2,1% pour ceux au-dessus de la moyenne. Par l’approche expérimentale employée, l’étude ne permet cependant pas de généraliser l’efficacité de l’intervention aux étudiants ayant les résultats les plus faibles.

Pour en savoir plus :

Gordanier, J., Hauk, W., & Sankaran, C. (2019). Early intervention in college classes and improved student outcomes. Economics of Education Review, 72, 23-29.

L’intégration des étudiants internationaux au Saguenay-Lac-Saint-Jean : la perception des étudiants

Bikie Bi Nguema, Gallais, Gaudreault, Arbour et Murray (2020) ont effectué 21 entrevues semi-dirigées auprès d’étudiants internationaux inscrits à l’un des quatre cégeps du Saguenay-Lac-Saint-Jean. L’objectif de leur recherche est d’identifier les défis auxquels les étudiants faisaient face quant à leur intégration dans une région à faible densité ethnoculturelle.

Les auteurs notent que les étudiants associent leur réussite scolaire à leur réussite professionnelle et sociale, de même qu’à leur niveau d’intégration à la culture québécoise. Parmi les obstacles à leur intégration, les étudiants interrogés ont souligné la barrière de la langue (bien que la majorité parle déjà le français), les chocs culturels, les défis pédagogiques et la formation d’amitié avec des étudiants natifs du Québec. La relation avec les professeurs et les pairs est également abordée : les étudiants apprécient généralement leurs relations avec leurs professeurs, souvent moins hiérarchiques que dans leur pays d’origine. Afin de mieux intégrer les étudiants à la communauté étudiante et civile, les auteurs recommandent notamment de sensibiliser le personnel et les étudiants à la réalité des étudiants internationaux et de favoriser la collaboration entre les services offerts au cégep et la communauté civile.

Pour en savoir plus :

Bikie Bi Nguema, N., Gallais, B., Gaudreault, M., Arbour, N., & Murray, N. (2020). Intégration et réussite scolaire des étudiants internationaux dans une région à faible densité ethnoculturelle. Le cas des cégeps du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Revue des sciences de l’éducation, 46(2), 39-68.

Des études universitaires non complétées ont-elles une valeur sur le marché du travail ?

Giani, Attewell et Walling (2020) évaluent si des études non complétées constituent un signal assez fort pour avantager les étudiants sur le marché du travail. Leurs données proviennent du Texas Education Research Center (TERC) qui combine des bases de données sur le statut des étudiants de la maternelle à l’université et sur leur statut d’emploi après leurs études.

Les auteurs ont suivi la cohorte texane de diplômés du secondaire de l’an 2000 afin de savoir si ceux qui arrêtaient leurs études avaient les mêmes chances sur le marché du travail que ceux qui entamaient des études universitaires sans les terminer. Ils ont comparé les chances d’être employés, ainsi que les revenus, quinze ans après leur graduation.

Suivant plus de 200 000 individus, leur recherche emprunte un modèle de régression logistique pour prédire si l’individu était employé ou non après quinze ans et un modèle de régression à moindres carrés ordinaires afin de prédire le logarithme des revenus en 2015.

Leurs résultats montrent que la probabilité d’avoir un emploi quinze ans plus tard est plus grande chez ceux qui ont un minimum de scolarité universitaire que chez ceux possédant uniquement un diplôme du secondaire. L’écart d’emploi entre ceux n’ayant fait aucune étude universitaire et ceux ayant fait des études supérieures sans diplôme est d’au moins 15 points de pourcentages (p<0.01). Cette différence se retrouve dans tous les sous-groupes de l’échantillon (genre, appartenance à une minorité visible, ou le statut défavorisé).

Leurs résultats concernant le (logarithme du) revenu soutiennent une conclusion similaire. Sélectionnant cette fois uniquement ceux ayant un revenu en 2015, les auteurs mesurent l’effet de la fréquentation universitaire sur le niveau de revenu. Les individus avec une expérience universitaire ont un revenu plus élevé (entre 2,6% et 11,4%) que ceux ayant seulement un diplôme secondaire (p<0.01). La différence est aussi observée dans la plupart des sous-groupes, à l’exception des minorités ethniques. Elle est plus prononcée chez les femmes.

Pour en savoir plus :

Giani, M. S., Attewell, P., & Walling, D. (2020). The value of an incomplete degree: Heterogeneity in the labor market benefits of college non-completion. The Journal of Higher Education, 91(4), 514-539.

Est-ce que la santé mentale des étudiants universitaires appartenant à la communauté LGBTQ+ a été mise à mal par la pandémie de COVID-19 ?

Parchem, Wheelet, Talaski et Molock (2021) ont voulu vérifier si la première vague de cas de COVID-19 a eu un impact sur la santé mentale des étudiants, plus particulièrement chez ceux et celles s’identifiant comme LBGTQ+. À l’aide de données provenant du sondage annuel Healthy Mind Study, mené aux printemps 2019 et 2020 et qui mesure l’état de la santé mentale des étudiants, les auteurs ont pu évaluer comment celle-ci a été affectée par la pandémie.

Le sondage utilisé se sert du Generalized Anxiety Disorder-7 (GAD-7) et du Patient Health Questionnaire-9 (PHQ-9) pour évaluer le niveau des symptômes ressentis d’anxiété et de dépression. Lors de l’édition 2020, des questions ont été ajoutées afin de connaître la situation financière de l’étudiant, leurs inquiétudes par rapport à la pandémie et leur expérience face à la discrimination due à leur ethnie, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. On a également pu évaluer la résilience de l’étudiant en posant des questions sur son optimisme, son estime de soi, sa perspective sur la vie en général, etc.

Afin d’évaluer si la santé mentale des étudiants fut affectée par la première vague de la pandémie, les auteurs ont comparé les taux moyens d’anxiété et de dépression de l’année 2020 avec ceux de l’année 2019, afin d’établir s’il y avait une différence statistiquement significative. Aucune différence n’est relevée et la moyenne de taux d’anxiété était même moins élevée. Les auteurs évoquent que la pandémie, surtout à son commencement au printemps 2020, a probablement accentué les mesures d’accommodations des professeurs envers tous les étudiants, dont ceux appartenant à la communauté LGBTQ+. Les auteurs amènent également que les mesures de confinement ont probablement réduit les possibilités d’entrer en relation avec des gens moins tolérants des communautés LGBTQ+.

Parchem, Wheelet, Talaski et Molock terminent en énonçant que, bien que les taux moyens d’anxiété et de dépression n’aient pas changé de manière importante, ils restent à un niveau assez élevé (48% de taux moyens d’anxiété et 61% de taux moyens de dépression en 2020).

Pour en savoir plus :

Parchem, B., Wheeler, A., Talaski, A., & Molock, S. D. (2021). Comparison of anxiety and depression rates among LGBTQ college students before and during the COVID-19 pandemic. Journal of American college health, 1-9.

Être mère tout en étant professeure universitaire : les défis rencontrés par ces femmes dans leur carrière

James, Bourgeault, Gaudet et Bujkai (2021) ont voulu comprendre comment les professeures vivaient l’expérience d’être mère tout en étant chercheuse. Interviewant 20 femmes dans deux universités canadiennes, les auteurs ont fait ressortir les points principaux dans ces entrevues.

Les professeures questionnées étaient reconnaissantes d’avoir eu accès à un congé de maternité, mais la majorité des femmes rencontrées ont également exprimé leur peur de l’« effacement post-partum », caractérisé par la possibilité d’être exclus d’opportunités de recherche ou de subventions, de retard dans des projets de recherche ou la perte de collaboration potentielle. Cette peur en a convaincues plusieurs de se présenter physiquement au bureau (en période pré-pandémique) afin d’éviter de se faire mettre à l’écart durant leur congé de maternité, à des périodes clés du développement de leur enfant.

Plus tard dans leur carrière, plusieurs ont éprouvé des difficultés à expliquer leur absence durant leur congé de maternité lors de leur évaluation de leur dossier de permanence, devant constamment se justifier devant leur comité. Ce genre d’évènements fait partie de ce que les auteurs appellent la « mommy-track », chemin de carrière parallèle à la « tenure-track ». En effet, avoir un enfant peut signifier un sacrifice quant à sa capacité à l’obtention de promotions et d’accès à des postes permanents. Les contributions dans les services communautaires exigés de l’ensemble des professeurs sont également vues comme moins prestigieuses et ont moins d’impact dans le dossier du chercheur en question. Les femmes questionnées ont souligné qu’elles se sentaient souvent obligées d’accomplir ces tâches au détriment de l’avancement de leur carrière.

Enfin, le dernier thème soulevé reflète comment certains champs de recherches n’ont pas été développés en prenant en compte la conciliation travail-famille. On évoque par exemple la recherche « terrain » qui devient plus difficile à accomplir lorsqu’un enfant attend à la maison.

Les auteurs concluent en énonçant que les conceptions de la réussite professionnelle restent fortement fondées sur des bases traditionnelles où les femmes ont de la difficulté à faire leur place en étant mère.

Pour en savoir plus :

James, Y., Gaudet, S., Bourgeault, I., & Bujkai, M. (2021). Care and Academic Motherhood: Challenges for Research and Tenure in the Canadian University. Canadian Journal of Higher Education, 51(4).