L’édition de juin 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur abordera les sujets suivants :

1. L’impact de l’undermatching sur le taux de diplomation;

2. Les effets des pratiques pédagogiques à haut impact sur le taux de diplomation universitaire;

3. Les politiques de transferts entre universités : à quel point les interfaces en ligne appuient-elles les étudiants dans ce processus ?;

4. L’étude de la modélisation de l’allocation de la charge de travail universitaire : la problématique et les enjeux associés.

La veille de recherche en enseignement supérieur sera mise sur pause durant le mois de juillet, pour revenir en force dès le mois d’août.

Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici.


L’undermatching : quel impact sur le taux de diplomation ?

Gansemer-Topf, Downey, et Genschel (2020) étudient le concept de surqualification à l’admission, c’est-à-dire le phénomène où des étudiants choisissent de s’inscrire à une université où les critères de sélection sont en deçà de leur capacité. Les auteurs se concentrent sur les caractéristiques de ces étudiants liées à l’obtention du diplôme.

Les auteurs utilisent deux bases de données nationales américaines pour établir les caractéristiques académiques et financières de ces étudiants, soit la Education Longitudinal Study de 2002 et la Beginning Postsecondary Students de 2004. Ils utilisent le Barron’s Selectivity Ratings pour classer les établissements.

Gansemer-Topf et al. identifient ensuite les étudiants qui sélectionnent des universités en deçà de leur niveau académique. Les auteurs regroupent les étudiants surqualifiés en deux groupes sur la base d’une analyse en composantes principales. Le premier groupe est lié à la réussite au secondaire alors que le second est lié au milieu socioéconomique. Les auteurs incluent notamment le niveau de mathématiques le plus difficile atteint au secondaire, de même que le plus haut niveau de scolarité des parents. Ils ajoutent également un indice d’intégration sociale ainsi qu’un index d’intégration académique après une année complète à l’université et une variable indiquant si le premier établissement fréquenté était une université offrant des programmes de quatre ans [qui correspondent au baccalauréat au Québec]. Les auteurs ont retenu le modèle statistique ayant le critère d’information d’Akaike (AIC) le plus élevé.

En termes de résultats des auteurs, retenons que plus un étudiant fréquente une université ayant des critères de sélection faible, plus faible est leur probabilité d’obtenir un diplôme. Les caractéristiques associées à l’obtention du diplôme dans les délais prescrits sont le fait d’être une femme, le fait de s’inscrire à une université offrant des programmes d’une durée de quatre ans, le fait d’avoir suivi des cours préparatoires aux calculs différentiel et intégral et le fait d’être intégré socialement au sein de l’établissement. Fait important, les variables d’ordre financières ne sont pas ressorties comme étant significatives, indiquant que le choix des étudiants surqualifiés ne semble pas influencé par des contraintes monétaires.

La méthodologie statistique est cependant assujettie à la critique. Rappelons que le critère d’Aikake n’est qu’une mesure évaluant la capacité d’une régression à reproduire un échantillon (comme le R-carré). Ce faisant, il n’est garant d’aucun lien de cause à effet. À ce titre, les résultats liant la surqualification à la probabilité d’obtention d’un diplôme suggèrent une relation causale inversée.

Pour en savoir plus :

Gansemer-Topf, A. M., Downey, J., & Genschel, U. (2020). Overcoming undermatching: Factors associated with degree attainment for academically undermatched students. Journal of College Student Retention: Research, Theory & Practice, 22(3), 402-424.

Quel effet ont les pratiques pédagogiques à haut impact sur le taux de diplomation universitaire ?

Johnson et Stage (2018) se questionnent sur l’efficacité de certaines pratiques de grandes universités publiques américaines sur le taux de diplomation universitaire. L’Association of American Colleges and Universities (AAC&U) identifiaient, en 2008, dix pratiques estimées à « haut impact » afin de favoriser la réussite scolaire des étudiants. Les autrices ont exploré l’impact de ces mesures sur la diplomation. Parmi les pratiques mises de l’avant, on note la tenue de séminaires dédiés aux étudiants de première année, la création de communautés d’apprentissage, le développement de cours favorisant la rédaction, l’encouragement aux travaux collaboratifs, l’intégration d’étudiants de premier cycle en recherche, la production d’un projet de fin de formation (capstone projects), le suivi de stage, les échanges internationaux et l’accès à de l’aide pédagogique.

Les autrices utilisent des données provenant de l’Integrated Postsecondary Education Data System (IPEDS) et du Barron’s Profile of American Colleges (2015). Elles utilisent également un sondage envoyé aux responsables administratifs et pédagogiques de 244 institutions publiques. Il mesure le niveau d’intégration et d’accessibilité de ces pratiques au sein des établissements.

Les autrices utilisent plusieurs modèles de régression en moindres carrés ordinaires pour estimer les résultats. Les autrices n’ont pas de stratégie d’identification de lien de cause à effet. Leurs résultats suggèrent qu’aucune mesure n’a un impact sur le taux de diplomation. Dans le modèle jugé le plus pertinent, incluant des variables de contrôle institutionnel, la seule pratique statistiquement significative - la tenue de séminaires dédiés aux premières années - suggère un impact négatif, signifiant que son implantation mène à une baisse du taux de diplomation.

Enfin, les autrices notent que le nombre de pratiques implantées n’est pas corrélé avec le taux de diplomation, indiquant qu’une sélection soignée des pratiques à instaurer au sein d’un établissement serait potentiellement plus efficace.

Pour en savoir plus :

Johnson, S. R., & Stage, F. K. (2018). Academic engagement and student success: Do high-impact practices mean higher graduation rates?. The Journal of Higher Education, 89(5), 753-781.

Les politiques de transferts entre universités : à quel point les interfaces en ligne appuient-elles les étudiants dans ce processus ?

Schudde, Bradley et Absher (2020) explorent comment les ressources numériques associées aux transferts interuniversitaires d’étudiants sont conviviales. S’intéressant plus particulièrement au cas des institutions texanes, elles ont mené des entrevues auprès du personnel chargé de ces tâches dans 20 community colleges. Leur recherche comprend deux angles : la perception des employés quant à la valeur de l’information disponible en ligne et l’utilité effective de cette information.

Au total, 26 membres du personnel dans 18 établissements différents ont été interviewés durant l’année 2016. En plus des entrevues, les autrices analysent les site web de chaque établissement afin d’évaluer le degré de facilité d’accès et leur utilité. Les autrices développent deux indices allant de 1 à 5 pour chacun de ces aspects, 1 étant la pire note possible et 5, la meilleure. Le degré de facilité d’accès est mesuré par une simulation de recueil d’informations d’un étudiant : le nombre de pages différentes, l’usage de la barre de recherche du site web, l’usage de Google en dernier recours et le besoin de retourner en arrière en cas d’emprunt d’un chemin erroné. Le niveau d’utilité est déterminé en fonction du détail des informations fournies, de même qu’une évaluation (subjective) de la qualité. Par exemple, une page incluant des liens brisés ou ne menant qu’à la page d’accueil du site web de l’université faisait baisser le niveau de qualité de l’information.

Leurs résultats suggèrent que le site web de la moitié des établissements étudiés offre des informations faciles d’accès et près de la moitié contiennent des informations considérées très utiles. Toutefois, les autrices notent que la plupart des sites web incluent des liens brisés et des informations incomplètes. Les entrevues ont révélé que le personnel des institutions a de la difficulté à trouver rapidement les informations nécessaires sur leur propre site web. De même, les répondants notent que dans plusieurs cas, l’information fournie en ligne n’est pas destinée aux étudiants, mais au personnel d’autres universités, sans aucune mention du public ciblé. Les employés indiquent également que la meilleure manière d’obtenir des informations claires et précises est de rencontrer un conseiller. Cependant, seuls neuf établissements sur les 20 étudiés incluaient les coordonnées du personnel à contacter.

Schudde et al. recommandent de garder les sites web à jour et d’effectuer une révision de leur plateforme numérique. Elles recommandent également de communiquer avec les institutions dont elles sont partenaires afin de leur fournir des informations exactes et claires à propos de leur établissement. Renforcer les liens entre les institutions serait également bénéfique. Enfin, les autrices suggèrent que les stratégies de communication concernant les transferts devraient également inclure les réseaux sociaux.

Pour en savoir plus :

Schudde, L., Bradley, D., & Absher, C. (2020). Navigating vertical transfer online: Access to and usefulness of transfer information on community college websites. Community College Review, 48(1), 3-30.

L’étude de la modélisation de l’allocation de la charge de travail universitaire : la problématique et les enjeux associés

Crisp (2022) explore la question de la distribution des tâches académiques au sein des universités, plus particulièrement le rôle de la personne responsable d’effectuer cette distribution. L’autrice utilise le cadre conceptuel de Bacchi, What’s the problem represented to be?, afin de cibler comment les gestionnaires universitaires allouent les tâches au sein de leur unité. Pour ce faire, 48 articles, deux rapports et trois communications présentées lors de conférences sont analysées selon les six questions proposées par le cadre. La majorité de ces articles provient de pays appartenant au Commonwealth, principalement l’Australie et le Royaume-Uni.

Les universités font face à une quantité limitée de ressources, que ce soit le temps de travail, le nombre d’employés ou le nombre d’heures allouées aux contrats. En outre, les charges de travail doivent être considérées comme étant justes et possibles à compléter durant l’année. Ces contraintes rendent nécessaire l’élaboration de modèles servant à optimiser l’allocation des charge de travail. Ces modèles servent notamment à de justifier les coûts de main-d’œuvre liés à leurs activités en fournissant des références communes à l’ensemble des établissements. Toutefois, les contraintes pédagogiques, qui affectent principalement les étudiants, ne sont pas prises en compte. Ceux-ci peuvent donc sortir perdant d’une allocation de travail donnée. De plus, Crisp note que de nombreuses tâches informelles ne sont pas comprises dans le calcul des tâches à accomplir. Notamment, on s’attend plus fréquemment des femmes professeures qu’elles accomplissent des tâches classifiées comme des « tâches ménagères académiques », amplifiant les enjeux d’équité. Enfin, peu d’incitatifs sont mis en place afin de revoir comment les charges de travail sont allouées.

L’autrice conclut en indiquant que la recherche future sur le sujet devrait se concentrer sur ce que peuvent faire les cadres intermédiaires, souvent pris entre l’arbre et l’écorce, qui doivent satisfaire les besoins parfois contradictoires du personnel administratif et du personnel enseignant.

Crisp, B. R. (2022). Academic workloads: what does a manager need to consider?. Journal of Higher Education Policy and Management, 1-16.