VEILLE DE RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR



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Août 2024

28e édition

Un condensé mensuel des dernières publications scientifiques sur l’enseignement supérieur

Ce mois-ci :

 

  • Le rôle des programmes de mathématiques sur la décision de s’orienter vers les STIM
  • La différence entre les cours intensifs et les cours traditionnels sur la charge de travail
  • Le rôle des projets interdisciplinaires sur le développement des compétences collaboratives
  • Les décisions gouvernementales de faire des coupes budgétaires aux établissements d’enseignement supérieur

Bonjour à toutes et tous!

Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici.

Bonne lecture!

 



Les programmes spécialisés en mathématiques : permettent-ils d’orienter les jeunes vers les STIM ? 

S’il est de plus en plus évident qu'une augmentation du nombre de diplômés universitaires dans les domaines des sciences, technologies, ingénieries et mathématiques (STIM) est requise pour faire face aux défis croissants liés aux enjeux technologiques et économiques ; il est également reconnu que ces diplômés tendent à être trop peu nombreux. Greta Morando (2024) s’intéresse au phénomène des incitatifs visant à influencer le choix des programmes universitaires, et plus particulièrement aux incitatifs permettant d’orienter davantage d’étudiants vers les STIM.

Pour analyser ce phénomène, la chercheuse examine l’effet d’une réforme éducative réalisée en Angleterre et visant à encourager la spécialisation en mathématiques dans les établissements scolaires lors des deux dernières années d’enseignement secondaire. Plus précisément, elle utilise des données longitudinales de nature administrative issue du National Pupil Database et du Higher Education Student Record permettant de connaître le parcours académique détaillé ainsi que certaines caractéristiques socio-économiques et démographiques. L’échantillon final comprend un total de 1 460 000 étudiants pour la période allant de 2003 à 2009. L’analyse utilise une méthode quantitative basée sur une stratégie de différence-en-différence, qui exploite ainsi la réforme comme un choc exogène. Cette approche permet de comparer la situation des étudiants avant et après la réforme, tout en contrôlant pour un certain nombre de variables.

Les résultats obtenus indiquent que la mise en place de cette réforme aurait fait augmenter la probabilité des étudiants de s’inscrire dans une filière universitaire de type STIM, en moyenne, de 1,5%. La chercheuse note que cette hausse est principalement concentrée chez les étudiants ayant un plus haut niveau de compétences en mathématiques, soulignant que la hausse de probabilité atteint 5,4% dans le quintile supérieur. Elle note également que cette réforme ne semble pas avoir eu d’effet pour réduire les disparités reliées au genre et au statut socio-économique. Ainsi, l’étude suggère qu’une orientation précoce vers le secteur des mathématiques peut être un levier afin d’augmenter la proportion de diplômés dans les domaines STIM, mais que d’autres mesures sont nécessaires pour réduire les inégalités.

Pour en savoir plus : 

Morando, G. (2024). Mathematics Specialization at High School and Undergraduate Degree Choice: Evidence From England. Educational Evaluation and Policy Analysis. https://doi.org/10.3102/01623737241255348




Choisir des cours intensifs plutôt que traditionnels : quels impacts sur les autres cours du semestre ?

Si les cours intensifs connaissent une popularité croissante par rapport aux cours traditionnels, et qu’ils sont présentés comme un moyen efficace d’attirer et de retenir les étudiants en réduisant le temps requis pour obtenir un diplôme, tout en développant chez ces étudiants des méthodes d’études plus efficaces ; il demeure que la recherche sur les effets de ces cours est parcellaire. Dayna Jean DeFeo, Brett Jordan Watson, Sarah Gerken et Trang C. Tran (2024) s’intéressent à l’effet des structures de cours (traditionnelles ou intensives) sur les résultats des étudiants, et plus particulièrement aux effets de débordements imprévus, afin de déterminer si les cours intensifs entraînent une diminution de la performance des étudiants dans les autres cours qui sont suivis simultanément.

Pour analyser ce phénomène, les chercheurs examinent l’effet d’une restructuration des cours introductifs de biologie, passant de deux semestres à un semestre, à l’Université de l’Alaska. Plus précisément, ils utilisent des données de séries temporelles de nature administrative provenant de l’établissement universitaire, et couvrant des informations sur la performance des étudiants (à la fois dans les cours de biologie et dans les autres cours suivis simultanément) ainsi que sur leurs caractéristiques démographiques. L’échantillon final comprend un total de 2 515 étudiants pour la période allant de 2009 à 2021. L’analyse utilise une méthode quantitative basée sur une stratégie de séries temporelles interrompue (interrupted time series) afin de comparer les résultats avant et après la restructuration du cours tout en incorporant des variables de contrôle. Cette approche permet de modéliser les tendances préexistantes et d’ainsi évaluer l’impact de la restructuration des cours en comparant les résultats observés aux résultats prédits selon ces tendances.

Les résultats obtenus indiquent que les étudiants suivants des cours intensifs ont des performances comparables à celles des étudiants suivant des cours traditionnels. Les chercheurs notent qu’il n’y a aucun effet significatif de débordement négatif sur les autres cours suivis simultanément aux cours intensifs. Ils notent au contraire que des effets de débordements positifs ont été observés en ce qui a trait à l’augmentation du nombre de cours suivis ; ce qui signifierait que les inquiétudes relatives au stress et à la baisse de performance ne se sont pas matérialisées, car les étudiants ont réussi à bien gérer leur charge de travail. Ainsi, les chercheurs suggèrent que les cours intensifs pourraient être des alternatives viables et bénéfiques aux cours traditionnels. Ils concluent en mettant en garde les établissements universitaires voulant imiter l’Université de l’Alaska à bien considérer les implications logistiques de ces changements, et évoquent le besoin de recherche supplémentaire sur le résultat qu’ils ont obtenu.


Pour en savoir plus :

DeFeo, D. J., Watson, B. J., Gerken, S., & Tran, T. C. (2024). Spillover Effects: A Comparison of Course and Institutional Outcomes for Traditional and Intensive Introductory Biology. The Journal of Higher Education, 1-28. https://doi.org/10.1080/00221546.2024.2369041




Les cours structurés sur des projets interdisciplinaires : un outil de développement de compétences collaboratives ?
 
Si les compétences de collaboration interpersonnelles et interdisciplinaires ont une importance croissante dans les milieux académiques et professionnels, et que les cours basés sur des projets interdisciplinaires sont de plus en plus populaires dans les universités, la littérature pertinente échoue à bien expliquer la façon dont ces compétences se développent dans un contexte éducatif. Mette Mari Wold Johnsen, Ela Sjølie et Vegard Johansen (2023) s’intéressent au développement de ces compétences collaboratives, et plus particulièrement aux variations qui peuvent exister entre les étudiants et entre les groupes d’étudiants, et qui peuvent s’expliquer par l’environnement d’apprentissage.

Pour analyser ce phénomène, les chercheurs examinent l’impact d’un cours structuré en projets interdisciplinaires sur le développement des compétences de collaboration chez les étudiants dans une université publique scandinave. Plus précisément, ils utilisent des données provenant de questionnaires réalisés avant (pretest) et après (posttest) la participation aux cours, qui sont organisés selon deux formats (un format semestriel et un format accéléré de 15 jours consécutifs). L’échantillon final comprend un total de 2 921 étudiants de deuxième cycle pour l’année 2021. L’analyse utilise une méthode quantitative basée sur une analyse de régression à plusieurs niveaux afin d’examiner l’influence des caractéristiques propres aux cours, aux groupes d’étudiants et aux étudiants individuels. Cette approche permet de tenir compte du fait que les étudiants provenant des mêmes groupes ou des mêmes classes ne sont pas indépendants entre eux.

Les résultats obtenus indiquent que la participation aux cours du programme tend à améliorer les compétences de collaboration des étudiants. Les chercheurs notent également que le format accéléré du cours permet une immersion plus profonde dans les projets ; ce qui favorise le développement des compétences, en particulier celles reliées à la gestion des conflits. Ils remarquent que les compétences de collaboration tendent à se développer principalement au niveau des groupes d’étudiants et non au niveau des classes, ce qui fait ressortir l’importance des interactions au sein de petits groupes. Les chercheurs soulignent que les variables de genre, de domaine d’étude et de moyenne académique exercent une faible influence sur l’amélioration des compétences de collaboration.

Ils concluent en notant que l’intégration de cours basés sur des projets interdisciplinaires dans les programmes de formation pourrait mieux préparer les étudiants à des environnements professionnels complexes ; et que les établissements devraient promouvoir ces méthodes d’enseignements notamment en intégrant explicitement des objectifs d’apprentissage liés à la collaboration et des activités de réflexion de groupe.


Pour en savoir plus:

Johnsen, M. M. W., Sjølie, E., & Johansen, V. (2024). Learning to collaborate in a project-based graduate course: A multilevel study of student outcomes. Research in Higher Education, 65(3), 439-462. https://doi.org/10.1007/s11162-023-09754-7




Crises économiques : pourquoi les universités subissent-elles des coupes budgétaires plus grandes que d'autres secteurs ?

Si les crises économiques ont des impacts importants sur les finances publiques des gouvernements, elles ont notamment un impact sur le financement des universités et des autres établissements d’enseignement supérieur. Dans le cas de certains États, cet impact tend à être disproportionné par rapport à d’autres catégories de dépenses gouvernementales. Denisa Gándara, Meredith S. Billings, Paul G. Rubin, et Lindsey Hammond (2024) s’intéressent aux raisons expliquant les décisions budgétaires concernant l’enseignement supérieur, aux motifs de disproportion par rapport à d’autres secteurs comme l’éducation ou encore la santé, et à la façon dont les décideurs perçoivent l’impact sur les bénéficiaires des financements (institutions d’enseignement et étudiants).

Pour analyser ce phénomène, les chercheurs examinent la situation de la Californie et du Texas en réaction à la crise de la pandémie de COVID-19 qui a provoqué une récession économique et menée à d’importants déficits budgétaires dans ces deux États. L’analyse utilise une méthode qualitative basée sur des informations obtenues par l’entremise de 28 entretiens semi-dirigés réalisés avec des acteurs clés des politiques publiques dans les deux États, ainsi que 69 documents de nature budgétaire, administrative ou médiatique. En analysant ces deux États ayant des positionnements politiques opposés, les chercheurs visent notamment à comparer les influences idéologiques liées aux décisions de financement. Les chercheurs se réfèrent notamment à la théorie de la construction sociale selon laquelle les décideurs politiques agissent strictement en fonction de leur réélection.

Les résultats obtenus indiquent que, dans le cas du Texas et de la Californie lors de la période de récession pandémique, les institutions d’enseignement supérieur, du fait de leur capacité à pouvoir générer des revenus, ont fait face à des réductions plus importantes de financement gouvernemental ; mais que les gouvernements ont décidé de préserver les aides financières attribuées à ceux-ci. Les chercheurs expliquent que cette décision favorable aux étudiants s’explique par la perception des décideurs quant à l’aspect méritant des étudiants, alors que ces derniers sont souvent perçus de manière plus positive que les institutions d’enseignement. Ils soulignent toutefois que les réductions budgétaires ne reflètent pas nécessairement une opinion négative des gouvernements sur le secteur, mais davantage un enjeu de priorités politiques. Les chercheurs notent que les institutions d’enseignement disposant de relations politiques plus fortes ont eu des coupes budgétaires moins importantes, et évoquent la nécessité pour les établissements de renforcer leurs relations politiques afin d’assurer un financement adéquat lors de futures crises économiques. Enfin, les chercheurs recommandent aux décideurs politiques de mieux prendre en compte les besoins de long terme de l’enseignement supérieur.


Pour en savoir plus :

Gándara, D., Billings, M. S., Rubin, P. G., & Hammond, L. (2023). “One of the Weakest Budget Players in the State”: State Funding of Higher Education at the Onset of the COVID-19 Pandemic. Educational Evaluation and Policy Analysis, 46(3). https://doi.org/10.3102/01623737231168812



 

 

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Le Groupe de recherche en économie publique appliquée étudie les différentes politiques d’intervention de l’État. Il est actif en enseignement supérieur, en fiscalité et en simulations de politiques publiques.
 

 




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