VEILLE DE RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

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Février 2023

13e édition


Un condensé mensuel des dernières publications scientifiques sur l’enseignement supérieur

Ce mois-ci :

 

  • L'évolution des systèmes de gouvernance en Europe
  • Les systèmes de gouvernance dans les pays en développement
  • Les impacts de l'approche managériale sur le corps professoral
  • Le rôle des agences d'assurance qualité en enseignement supérieur

Ce mois-ci nous vous proposons un numéro spécial sur la gouvernance de l'enseignement supérieur. Merci à Alexandre Beaupré-Lavallée et Nathalie Beaulac pour leur contribution.

Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici.

Bonne lecture!

 

 

 

 



Comment la gouvernance des universités européennes évolue-t-elle?


Shattock (2021) fait une étude historique du changement de paradigme ayant eu lieu dans les systèmes universitaires d’Europe. Depuis le début des années 1990, de nombreux changements ont eu lieu dans les milieux universitaires. L’auteur cherche à savoir si ces changements proviennent d’une volonté de « moderniser » la gouvernance ou sont une réponse à l’accroissement général du poids des institutions étatiques et une pression publique plus forte pour la reddition de compte. La gouvernance désigne l’ensemble des mécanismes de fonctionnement du système universitaire du niveau ministériel jusque dans les universités elles-mêmes.

Pour étayer son argument, Shattock se base sur des données d’entrevues réalisées avec des acteurs du milieu universitaire de sept pays, soit le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Hongrie, la Norvège, le Portugal, la France et l’Italie. Dans chacun des pays, une université axée sur la recherche et une autre axée sur l’enseignement ont été sélectionnées pour la récolte de données.

Le contenu de ces entrevues pousse l’auteur à souligner certains constats. En particulier, il note que les gouvernements de ces pays ont été très actifs dans la mise en place de systèmes de gestion des universités, notamment à travers l’introduction du financement à la performance. Shattock note aussi une différence importante dans l’évolution de la gouvernance au Royaume-Uni et en Europe continentale. Alors qu’au Royaume-Uni le gouvernement a encouragé une approche managériale top-down au détriment de la participation académique, les gouvernements des pays continentaux ont quant à eux une réticence plus marquée à intégrer des mécanismes de gouvernance externe aux universités.


Selon Shattock, les deux approches sont discutables puisqu’elles impliquent un déséquilibre dans l’implication des parties prenantes au sein de la gouvernance. L’auteur conclut que la modernisation des systèmes universitaires en Europe évolue dans de mauvaises directions. L’autonomie institutionnelle semble de plus en plus s’érodée à mesure que les États tentent d’incorporer les structures universitaires au système gouvernemental.


Pour en savoir plus :

Shattock, M. (2021). The ‘modernisation’ of university governance: re-balancing the components in cross-European comparison. Perspectives: Policy and Practice in Higher Education, 25(4), 127-131. https://doi.org/10.1080/13603108.2021.1956716


 

 


Comment la gouvernance des pays en développement peut-elle être améliorée?


La recherche sur la gouvernance de l’enseignement supérieur tend à porter sur les systèmes ayant déjà des fonctionnements bien établis dans des pays riches. En revanche, peu d’attention est portée à la mise en place de systèmes de gouvernance dans des pays en développement. C’est ce manque de littérature que Shin et coll. (2021) cherchent à combler. Ces auteurs tentent d’identifier les conditions essentielles au bon développement d’un système de gouvernance de l’enseignement supérieur dans le sud de l’Asie.

Pour arriver à leurs objectifs, les auteurs utilisent le cadre conceptuel élaboré par Fukuyama (2013). Ce dernier propose que la qualité de la gouvernance de l’enseignement supérieur soit une fonction de deux dimensions, soit l’autonomie des institutions universitaires et leur capacité institutionnelle. Shin et coll. (2021) utilisent ce cadre comme une matrice conceptuelle pour montrer l’état des systèmes de gouvernance sud-asiatiques. La matrice est composée de quatre groupes définis par deux niveaux d’autonomie (haute et basse) et deux niveaux de capacité (haute et basse).

Dix pays asiatiques sont étudiés : le Bangladesh, l’Inde, le Sri Lanka, le Népal, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, la Chine, la Corée du Sud et Taïwan. Pour mesurer l’autonomie, les auteurs utilisent un indice basé sur le University Autonomy Pool qui évalue le niveau de liberté institutionnelle des universités dans leurs décisions selon la législation en place dans un pays donné. La capacité institutionnelle est quant à elle mesurée selon un indice composé de trois indicateurs, soit le taux d’inscription post-secondaire brut, le nombre d’étudiants par enseignant et les dépenses nationales en enseignement supérieur par étudiant.

Les auteurs trouvent que la plupart des pays qui ont un grand niveau de capacité institutionnelle ont aussi un haut niveau d’autonomie et inversement (faible capacité et faible autonomie). Deux exceptions sont notables : les universités chinoises ont beaucoup de moyens malgré une faible autonomie et le Népal délègue une grande autonomie aux universités malgré leur faible capacité. Aux vues de ces résultats, les auteurs suggèrent que l’amélioration de la gouvernance dans les pays sélectionnés devrait suivre des chemins différents selon les niveaux d’autonomie et de capacité présents au sein des systèmes d’enseignement supérieur. 



Pour en savoir plus :

Shin, J. C., Li, X., Nam, I., & Byun, B. K. (2021). Institutional autonomy and capacity of higher education governance in South Asia: a comparative perspective. Higher Education Policy, 1-25. https://doi.org/10.1057/s41307-020-00220-y

Fukuyama, F. (2013) ‘What is governance?’, Governance 26(3): 347–368. https://doi.org/10.1111/gove.12035


 


Quels sont les impacts de l’approche managériale de gestion dans la vie de chercheurs?


Au cours des dernières décennies, plusieurs réformes dans la gouvernance de l’enseignement supérieur visant une plus grande reddition de compte axé sur la performance ont été mises en place à travers le monde. Le milieu universitaire australien ne fait pas exception à ce phénomène. Kenny et Fluck (2022) tentent d’évaluer l’impact de cette approche de gestion qualifiée de « managériale » sur les conditions de travail des chercheurs et enseignants touchés.

Le système de gouvernance de l’enseignement supérieur australien est, depuis plusieurs années, axé sur la performance du corps professoral. L’un des grands principes de ce système est la mesure de performance de publication des chercheurs basée sur la qualité et la quantité des publications scientifiques. Kenny et Fluck ont envoyé un questionnaire de 80 questions à 2 526 membres du corps professoral universitaire australien sur l’allocation du travail et la gestion de la performance.

À la question d’identifier les forces du modèle de gouvernance actuel, 31,8% des répondants n’arrivent pas à en trouver. La force qui ressort le plus est la transparence (20,1%). Les chercheurs ont aussi posé plusieurs questions concernant l’allocation des tâches d’enseignement. À la question d’identifier l’obstacle principal à une allocation équitable des tâches, la réponse la plus courante était l’omission de certaines tâches académiques dans le travail des enseignants par les institutions (27,4%).

L’analyse des résultats porte les auteurs à faire ressortir quelques constats. D’abord, les pratiques de gouvernance liées à l’approche managériale basée sur les résultats sont perçues comme ayant eu un impact négatif sur les conditions de travail du corps professoral. L’approche managériale utilisée en Australie ne semble pas assez bien capturer l’ensemble des tâches liées au travail de professeur, ce qui semble occasionner un excès de travail et de stress. Les auteurs suggèrent que les politiques de gouvernances liées à la recherche universitaire soient revues à la lumière de ces constats. En particulier, ils proposent que ces politiques soient basées sur des principes d’évaluation holistique et collégiale. 



Pour en savoir plus :

Kenny, J., & Fluck, A. E. (2022). Emerging principles for the allocation of academic work in universities. Higher Education, 83(6), 1371-1388. https://doi.org/10.1007/s10734-021-00747-y

 

 

 


Quel est le rôle des agences d’assurance qualité en enseignement supérieur?


Dans plusieurs juridictions à travers le monde et particulièrement en Europe, la gouvernance de l’enseignement supérieur s’exerce en partie à travers des entités administratives qu’on appelle « agence d’assurance qualité ». Elken et Stensaker (2022) s’intéressent aux développements récents du rôle de ces agences dans la gouvernance de l’enseignement supérieur en Europe. Plus spécifiquement, les auteurs cherchent à comprendre les raisons derrière les responsabilités accrues attribuées à ces agences dans les dernières décennies.

Le travail d’Elken et Stensaker est basé sur une étude de cas de six agences d’assurances qualité européennes. Il s’agit d’agences au Portugal, en Allemagne, en Finlande, aux Pays-Bas, en Irlande et en Suède. Les auteurs ont compilé différentes sources documentaires auxquelles des entrevues avec le personnel des agences se sont ajoutées. Ces agences précises ont été sélectionnées parce qu’elles étaient les agences européennes ayant fait l’objet d’importantes réformes visant à étendre leur rôle respectif. En ce sens, cette étude de cas ne cherche pas à montrer les cas les plus représentatifs, mais plutôt ceux à l’avant-garde des changements de pratiques et qui pourraient dépeindre l’avenir des agences d’assurance qualité.

Trois constats importants ressortent du processus de recherche. D’abord, une tendance assez claire se dessine vers les fusions d’agences et/ou réorganisations internes orchestrées par les autorités publiques. Ensuite, le positionnement stratégique des agences influence grandes leur processus de développement. Par exemple, les agences portugaise et allemande ont toutes deux investi une bonne partie de leurs ressources dans des activités de recherche, ce qui leur a permis d’obtenir de plus grandes responsabilités de recherche à travers le temps. Finalement, la plupart des agences ont commencé à diversifier leur champ d’activité au-delà des tâches d’assurance qualité. Ces agences sont aujourd’hui impliquées dans la recherche, le service conseil, l’analyse statistique et la réglementation financière.

Ces constats portent les auteurs à conclure que les autorités publiques en matière d’enseignement supérieur exercent un contrôle substantiel sur les agences d’assurance qualité. Ces agences semblent aussi être utilisées comme des outils pour tester de nouvelles pratiques de gouvernance.


Pour en savoir plus :

Elken, M., & Stensaker, B. (2022). Bounded innovation or agency drift? Developments in European higher education quality assurance. Assessment & Evaluation in Higher Education, 1-12. https://doi.org/10.1080/02602938.2022.2078476


 

 

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Le Groupe de recherche en économie publique appliquée étudie les différentes politiques d’intervention de l’État. Il est actif en enseignement supérieur, en fiscalité et en simulations de politiques publiques.
 

 

 

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