L’édition de mars 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur abordera les sujets suivants :

  1. Le sommaire des crédits budgétaires 2022-2023 en enseignement supérieur;
  2. Les impacts à long terme des récessions sur l’éducation et le revenu;
  3. La perspective des étudiants de première génération sur la finalité de l’enseignement supérieur;
  4. L’impact des bourses au mérite sur les inscriptions.

Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici.

Sommaire des crédits budgétaires 2022-2023

Les crédits budgétaires déposés le 22 mars dernier témoignent d’une augmentation importante des fonds consacrés à l’enseignement supérieur. Les crédits alloués aux cégeps, excluant les régimes de retraite, augmentent de 8% (+202,1 M$) par rapport à l’an dernier. Pour les universités, la croissance des fonds, excluant les régimes de retraite, est plus modeste et s’établit à 5% (+201,0 M$). Signalons cependant une provision de 125,6M$ additionnels dont la répartition reste à annoncer.

Les crédits accordés à l’Aide financière aux études augmentent de 5,7% (+53,1 M$) dans l’ensemble, pour une augmentation de 8,3% (+61,0 M$) en bourses et une baisse de 4,0% (-7,8 M$) en frais d’intérêts sur les prêts. Une provision additionnelle de 53,0 M$ reste encore à annoncer entre le programme de prêts et bourses et le programme de « bourses incitatives ». D’autres mesures budgétaires touchant les programmes de prêts et de bourses, quantitativement de deuxième ordre, sont également au budget.

Au ministère de l’Économie et de l’Innovation, signalons une baisse de 2,9% (-30,0 M$) des crédits budgétaires accordés aux trois principaux programmes en soutien à la recherche. La caractéristique la plus remarquable est une baisse de 31,4% (-80,0M$) des crédits des organismes dédiés à la recherche et à l’innovation, une baisse de 26,2% (-88,3 M$) des crédits accordés au programme de Développement de la science de la recherche et de l’innovation, accompagnés d’une hausse de 31,7% (+138,3 M$) des crédits associés au programme d’interventions relatives au Fonds de développement économique. Le budget fait cependant état de la mise en oeuvre de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, une dépense de 280 M$ par an, dont les modalités restent à détailler. D’autres mesures budgétaires en recherche, quantitativement de deuxième ordre, se retrouvent également au budget.

On note également une modification dans la composition des crédits budgétaires accordés aux directions administratives du ministère de l’Enseignement supérieur. La direction de la « Performance, du financement, des interventions régionales et [de] soutien à la gestion » voit ses crédits augmenter de 31,0% (+12,1 M$) alors que la direction de « Développement et [de] soutien des réseaux » diminue de 6,71% (-18,0 M$). La direction de « l’Accessibilité financière aux études, [aux] infrastructures et [aux] ressources informationnelles » perd quant à elle 11,7% (-3,0 M$) en crédits.

Ce tour d’horizon ne couvre pas l’ensemble du budget. D’autres mesures budgétaires touchant le réseau de l’enseignement supérieur pourraient se retrouver dans des crédits spécifiques à d’autres ministères, ou encore dans des crédits dont la finalité demeure à dévoiler. Rappelons finalement que ces crédits sont tributaires de leur continuité après l’élection présumée en octobre. En vertu du dernier sondage Léger, la Coalition Avenir Québec récolterait 41% des intentions de vote, suivi de 18% pour le Parti Libéral du Québec, de 14% des intentions de vote pour Québec solidaire (et la balance aux autres partis).

Pour en savoir davantage:

Gouvernement du Québec (2022). Budget 2022-2023, Votre gouvernement, Plan budgétaire, ISBN 978-2-550-91384-9, récupéré en ligne à partir de http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2022-2023/documents/Budget2223_PlanBudgetaire.pdf#page=108

Gouvernement du Québec (2022). Budget de dépenses 2022-2023 (vol. 3), Crédits et dépenses des portefeuilles (2022-2023), ISBN 978-2-550-91410-5, récupéré en ligne à partir de https://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/budget_depenses/22-23/3-Credits_depenses_portefeuille.pdf

Léger (2022). Rapport: La politique au Québec, récupéré en ligne à partir de https://2g2ckk18vixp3neolz4b6605-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2022/03/Rapport-politique-provinciale-11-mars-2022.pdf

Impact à long terme des récessions sur l’éducation et le revenu

S’intéressant à la récession de 1980-1982, Stuart (2022) estime ses effets à long terme sur les niveaux d’éducation et de revenu de 23 millions d’Américains nés entre 1950 et 1979. L’auteur a eu accès aux données du recensement de l’an 2000, de même qu’à la base de données de l’American Community Surveys de 2001 à 2013.

Tous les comtés étudiés n’ont pas été affectés par la récession avec la même intensité. L’auteur utilise donc une différence-en-différence pour comparer les comtés fortement affectés par la récession avec ceux qui l’ont vécue de manière plus douce. Il compare également la population jeune au début de la récession à la population plus âgée lors de la même période. Il cherche notamment à évaluer l’impact de la récession sur un indicateur de l’atteinte d’un baccalauréat ainsi que sur les revenus à long terme des individus. Afin d’isoler le rôle de la récession dans les changements économiques au sein des comtés, Stuart construit également une variable instrumentale qui prédit le changement du log de l’emploi au sein dudit comté lors de la même période de la crise en utilisant la structure économique de celui-ci en 1976.

L’effet à long terme de la récession de 1980-1982 sur le niveau de l’éducation a été important pour les individus qui avaient entre 0 et 13 ans en 1979, c’est-à-dire avant la récession. Chez ces personnes, une diminution de 10% du revenu par habitant entre 1978 et 1982 est liée à une réduction de 3% de la diplomation universitaire. Une réduction de même envergure du revenu par habitant ne semble pas avoir eu d’impact sur l’obtention d’un diplôme de niveau secondaire.

Pour ce qui est des revenus, Stuart constate que, pour les individus âgés entre 0 et 10 ans en 1979, une diminution de 10% du revenu par habitant entre 1978 et 1982 est lié à une réduction de leur revenu personnel de 2,2%, une baisse de 3,2% de leur revenu gagné et une augmentation de 13,9% de leur chance de vivre sous le seuil de la pauvreté.

Pour en savoir davantage:

Stuart, B. A. (2022). The long-run effects of recessions on education and income. American Economic Journal: Applied Economics, 14(1), 42-74.

Que pensent les étudiants universitaires de première génération de la finalité de l’enseignement supérieur ?

Cuellar, Bencomo Garcia et Saichaie (2022) ont exploré la question de la raison d’être de l’enseignement supérieur. Les auteurs utilisent les données provenant d’entrevues semi-dirigées menées auprès d’étudiants de l’Université de Californie au printemps 2017 et à l’hiver 2018. Principalement d’origine latine, les 21 participants ont été recrutés dans le cadre d’un cours portant sur l’enseignement supérieur. La majorité d’entre eux était inscrite à une mineure en éducation et 11 étudiants s’identifiaient comme des étudiants de première génération.

Trois principaux thèmes sont ressortis de l’analyse de ces entrevues. Premièrement, la grande majorité des étudiants considère l’enseignement supérieur comme essentiel à la réussite personnelle. Les étudiants de première génération se distinguaient des étudiants dits continus par leur désir de changer de classe sociale :

« […] if you don’t go to college after high school, there’s not pretty much nothing for you to do other than working and staying in a low income job or living in a low income area » (Cuellar et al., 2022, p.283).

Pour les étudiants dont les parents avaient déjà fréquenté l’université, une inscription à un programme d’éducation supérieure est perçue comme plus naturelle et comme la prochaine étape dans leur parcours scolaire. Quelques étudiants ont également noté que leur perception des buts de l’enseignement supérieur a changé au fil de leur cheminement, réalisant que les bénéfices instrumentaux n’étaient pas nécessairement l’ultime objectif de la formation universitaire. Cette constatation ne différait pas selon les deux types d’étudiants. Enfin, plusieurs étudiants ont exprimé des opinions complexes et articulé des objectifs de l’enseignement supérieur, au-delà des bénéfices instrumentaux. Ces conclusions sont toutefois à interpréter avec attention, étant donné le biais de sélection dont l’étude souffre. Des étudiants dont la mineure est en éducation ne sont possiblement pas représentatifs de l’ensemble des étudiants universitaires.

Pour en savoir davantage:

Cuellar, M. G., Bencomo Garcia, A., & Saichaie, K. (2021). Reaffirming the Public Purposes of Higher Education: First-Generation and Continuing Generation Students’ Perspectives. The Journal of Higher Education, 1-24.

Quel est l’impact de bourses au mérite accordées après les admissions sur les décisions d’inscription ?

Les universités offrent parfois des bourses aux étudiants talentueux déjà acceptés dans leur programme afin de les attirer sur leur campus. Firoozy (2022) s’attarde à l’efficacité de ce type de bourses sur les inscriptions. Pour ce faire, l’auteur profite de l’assignation aléatoire d’une telle bourse offerte en 2015 dans le cadre d’un programme par une université publique californienne. Ce programme offrait la bourse de manière aléatoire à 750 étudiants parmi un bassin de 1500 étudiants méritants. L’objectif de l’université était d’améliorer le taux d’inscription des étudiants performants, le taux de diplomation de l’ensemble des étudiants et profiter d’un possible effet de pairs, qui pourraient encourager d’autres étudiants à s’inscrire à cette université en raison de la bourse.

Afin d’évaluer l’efficacité de cette bourse, Firoozi utilise un modèle de probabilité linéaire. Les résultats de la régression présentent un lien de cause à effet en raison de l’assignation aléatoire au groupe traitement. Les résultats sont donc crédibles.

Deux pourcents (2%) des étudiants ciblés se sont inscrits à l’université en question. Cet effet a été particulièrement fort pour les étudiants classés par l’université comme désavantagés, soit les étudiants de première génération avec un bas statut socioéconomique. Les auteurs ont également noté que sept pourcents (7%) des étudiants ont été plutôt incités à éviter toute autre université publique en Californie. Cet effet de substitution semble provenir du pouvoir de négociation de l’étudiant. L’auteur observe en effet des tentatives d’étudiants d’obtenir une meilleure contre-offre d’universités dont les capacités leur permettent d’être plus compétitives. Castleman et Terry Long (2016) ont également identifié que les bourses sur concours engendraient des effets de substitution entre établissements.

Firoozi (2022) recommande de réduire les offres de bourses aux étudiants désavantagés, par exemple en ajoutant un critère de revenu familial maximal, et de conserver ainsi une même efficacité.

Pour en savoir davantage:

Castleman, B. L., & Long, B. T. (2016). Looking beyond enrollment: The causal effect of need-based grants on college access, persistence, and graduation. Journal of Labor Economics, 34(4), 1023-1073.

Firoozi, D. (2022). The impact of post-admission merit scholarships on enrollment decisions and degree attainment: Evidence from randomization. Economics of Education Review, 86, 102221.