VEILLE DE RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

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Février 2024

23e édition

Un condensé mensuel des dernières publications scientifiques sur l’enseignement supérieur

Ce mois-ci :

  • Syndrome de l’imposteur et détresse psychologique chez les femmes en STIM
  • La persistance universitaire reste faible pour les étudiants issus de milieux à faible revenu
  • L’augmentation d’aide financière pousse-t-elle les universités à accroître les frais de scolarité?
  • Le soutien par les pairs peut-il contrer les problèmes d’inscription incomplète?

Bonjour à toutes et tous!

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Bonne lecture!



Syndrome de l’imposteur et détresse psychologique chez les femmes en STIM

Yang et al. (2024) se penchent sur les divers facteurs qui influent sur la persistance des étudiantes en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM). Leur étude se concentre spécifiquement sur la corrélation entre la stratégie adoptée par les étudiantes pour atteindre leurs objectifs académiques, le syndrome de l'imposteur et la détresse psychologique. Cette recherche s'appuie sur les réponses recueillies lors d'un sondage administré en 2021 à 395 étudiantes en STIM dans une grande université du Midwest américain.

Les auteurs se basent sur la conceptualisation des stratégies d'atteinte des objectifs élaborée par Elliot et McGregor (2001), qui identifie quatre profils distincts créés à partir de deux dimensions : l’approche versus évitement de l’apprentissage et la maîtrise versus la performance dans l’apprentissage. L'approche-maîtrise réfère à une orientation vers l'amélioration des compétences et de la compréhension. À l'inverse, l'approche-performance privilégie la comparaison avec les autres en termes de résultats. L'évitement-maîtrise désigne la tendance à éviter les tâches perçues comme difficiles afin de prévenir l'échec, tandis que l'évitement-performance consiste à éviter les tâches risquant de révéler des lacunes comparativement aux autres étudiants.

Les auteurs analysent leurs données à partir d’une modélisation par équations structurelles. Dans ce modèle, les quatre profils sont considérés comme des variables prédictives alors que la détresse psychologique, comme une variable latente (non observée), et enfin, le syndrome de l’imposteur comme médiateur. Le modèle est ensuite estimé à partir de l’estimateur du maximum de vraisemblance.

Leurs résultats révèlent que les étudiantes adoptant une stratégie d'approche-maîtrise présentent la plus faible propension au syndrome de l'imposteur, tandis que celles préférant une stratégie d'évitement-performance y sont les plus enclines. Contrairement aux attentes des chercheurs, les étudiantes privilégiant une stratégie d'approche-performance ne semblent pas être affectées par le syndrome de l'imposteur. Par ailleurs, l'étude explore également le lien entre le syndrome de l'imposteur et les symptômes de détresse psychologique. Ils mettent en évidence une relation forte et significative entre ces deux variables, notamment en ce qui concerne les symptômes de somatisation, de dépression et d'anxiété. Enfin, les résultats indiquent que les étudiantes de première génération ne sont pas disproportionnellement affectées par le syndrome de l'imposteur ou par la détresse psychologique.



Pour en savoir plus :
Yang, Y., Xu, C., Karatas, T., Glass, T. E., & Maeda, Y. (2024). Achievement Goals, Imposter Syndrome, and Psychological Distress Among Female STEM Students: A Structural Equation Model. Journal of College Student Retention: Research, Theory & Practice, https://doi.org/10.1177/15210251231219933


La persistance universitaire reste faible pour les étudiants issus de milieux à faible revenu

Skinner et Doyle (2024) cherchent à déterminer si les politiques d’aide financière aux études visant les familles à faible revenu sont efficaces, c’est-à-dire si elles réussissent à augmenter la part des étudiants à faibles revenus au sein des universités. Les auteurs indiquent qu’à l’heure actuelle, les seules informations sur ce sujet sont disponibles au niveau national, et non au niveau des États. Leur recherche compte donc combler cette lacune dans la littérature.

Leur étude s'appuie sur les données du High School Longitudinal Study qui suit la cohorte de l’école secondaire de 2009 dans dix États américains. Pour estimer la probabilité d'inscription postsecondaire par revenu familial, ils ont recours à une méthode de régression multivariée avec post-stratification. Ces estimations sont ensuite ajustées en fonction des caractéristiques démographiques de la population de chaque État pour obtenir des taux d'inscription à l'université spécifiques à chaque État.

Les résultats révèlent que, dans les dix États étudiés, la proportion d'étudiants issus de familles à faible revenu est plus faible par rapport aux autres tranches de revenus. La médiane de cet écart est de 33,8 points de pourcentage. Il existe également une grande variation dans la probabilité de fréquenter l’université pour les individus provenant de familles à faible revenu. La probabilité de fréquentation pour les États qui réussissent le mieux à intégrer ces étudiants est de 67,8% alors que pour ceux qui réussissent moins bien, cette probabilité diminue à 34%. Ainsi, malgré les efforts pour améliorer l'accès à l'aide financière aux études, il subsiste encore des disparités significatives dans l'accès à l'enseignement postsecondaire pour les jeunes issus de milieux défavorisés.



Pour en savoir plus :
Skinner, B. T., & Doyle, W. R. (2024). Predicting postsecondary attendance by family income in the United States using multilevel regression with poststratification. Economics of Education Review, 99, https://doi.org/10.1016/j.econedurev.2024.102508


L’augmentation d’aide financière pousse-t-elle les universités à accroître les frais de scolarité?


Dans l’administration des collèges communautaires (community colleges) américains, le phénomène des promise programs (ci-après PP) est de plus en plus commun. Les PP sont des initiatives offrant de l’aide financière qui couvrent généralement au moins la première année d’étude à temps plein. De plus, les PP sont typiquement offerts à des personnes résidant à l’intérieur de certaines limites géographiques. Li et Katri (2024) s’intéressent à ce phénomène et tentent d’évaluer son impact sur le niveau des frais de scolarité. En effet, l’un des impacts théoriques d’une augmentation de l’aide financière est une augmentation des frais de scolarité qui viendrait réduire en partie l’effet d’accroissement d’accessibilité espéré.

Pour analyser ces phénomènes, les chercheurs utilisent les données longitudinales de la State Higher Education Executive Officer (SHEEO) sur une période allant de 2001 à 2015. L’échantillon final comprend un groupe traitement de 29 universités qui ont adopté un PP au cours de la période de recherche. Les chercheurs ont aussi formé deux groupes contrôles. Le premier regroupe les universités ayant adopté un PP après la période d’étude et est composé de 34 universités. Le deuxième est composé d’un ensemble d’universités n’ayant jamais adopté de PP et est composé de 370 universités. Les chercheurs utilisent une méthode de régression par différence-en-différence pour identifier l’effet causal des PP sur le niveau de frais de scolarité.

Les résultats obtenus indiquent que dans l’ensemble, l’adoption peut mener à une réduction de 14% des frais de scolarité dans un intervalle de confiance de 99%. Il s’agit toutefois de résultats peu robustes puisqu’ils ne sont pas significatifs dans plusieurs spécifications de modèles. Pour approfondir l'analyse, les résultats sont segmentés selon l’autorité responsable du niveau des frais de scolarité, Quand l’institution universitaire a la charge d’établir sa propre politique, les frais ont tendance à baisser de 15% à 18%. En revanche, lorsque les frais de scolarité sont déterminés par la juridiction étatique, l’adoption d’un PP mène à une augmentation substantielle allant de 24% à 43%.

Selon les auteurs, ces résultats illustrent qu’on ne devrait pas craindre qu’une augmentation de l’aide financière entraîne automatiquement un comportement plus entrepreneurial de la part des collèges universitaires quant à la politique des frais de scolarité.

Pour en savoir plus:
Li, A. Y., & Katri, P. (2024). Does Tuition-Setting Authority Determine Whether Tuition Increases at Community Colleges with New Promise Programs?. The Journal of Higher Education, 1-30. https://doi.org/10.1080/00221546.2024.2301914

Le soutien par les pairs peut-il contrer les problèmes d’inscription incomplète?


La fonte estivale (summer melt), un phénomène de plus en plus répandu aux États-Unis, fait référence aux étudiants fraichement diplômés de l’école secondaire qui ne complètent pas leur inscription à l’université même en y étant déjà admis. Il s’agit d’un phénomène touchant particulièrement les populations plus défavorisées. Li, Haralampoudis et Polon (2024) cherchent à savoir si un programme de soutien dans un réseau d’école secondaire publique peut aider à amoindrir ce problème.

En 2017, l’organisme College and Career Bridge for All (CCB4A) développe un programme de formation et de jumelage entre des étudiants tout juste diplômés de l’école secondaire de la ville de New York et des étudiants poursuivant des études universitaires. Ce jumelage a eu lieu durant l’été précédant l’entrée des jeunes finissants à l’université. Les chercheurs évaluent les résultats du processus d’inscription pour l’automne 2020.

Les données de l’étude sont tirées des sources administratives du réseau secondaire publique newyorkais. Les chercheurs ont réussi à créer un échantillon de 54 000 étudiants finissants. Pour évaluer la force du programme, les chercheurs ont recours à une technique des régressions par propension d’appariement (propensity score matching). Cette technique permet de traiter de large ensemble de données en créant des groupes contrôles artificiels en appariant des étudiants ayant bénéficiant du programme (groupe traitement) à d’autres partageant des caractéristiques socio-économiques, mais n’ayant pas bénéficié du programme (groupe contrôle).

Les résultats de l’étude montrent que le programme a un impact positif. En effet, les finissants ayant participé au programme ont des probabilités 6,7% plus élevées d’être inscrits à l’université à la fin de l’été. En observant les résultats des sous-groupes, les chercheurs notent que le programme est particulièrement bénéfique pour les finissants noirs (+8,2%) et hispaniques (+9,1%). Selon les auteurs, cette étude indique l’efficacité des programmes de soutien par les pairs en ce qui a trait aux problèmes de la fonte estivale.

Pour en savoir plus:
Liu, V. Y. T., Haralampoudis, A., & Polon, I. (2024). Combating Summer Melt: The Impact of Near-Peer Mentor Matriculation Program in New York City. Research in Higher Education, 1-33. https://doi.org/10.1007/s11162-023-09773-4