VEILLE DE RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

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Juin 2023

17e édition


Un condensé mensuel des dernières publications scientifiques sur l’enseignement supérieur

Ce mois-ci :

 

  • Étudiants étrangers et marché du travail
  • Les décisions de financement de l'enseignement supérieur pendant la Covid-19
  • L'effet des règles d'accès à l'assurance-emploi sur la diplomation
  • L'accès au domaine d'étude préféré et les résultats académiques
Notre équipe fera une pause pour l'été. Nous serons de retour en septembre.

Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici.

Bonne lecture!

 

 

 



L’effet des étudiants étrangers sur l’offre de travail
 
L’internationalisation devient un aspect de plus en plus important des systèmes d’enseignement supérieur. Beine et coll. (2023) se penchent sur cette problématique en estimant l’apport à l’offre de travail causé par l’influx d’étudiants étranger aux États-Unis.

Pour réaliser cette estimation, les auteurs se concentrent sur les données portant sur les effectifs universitaires américains provenant du Integrated Postsecondary Education Data System (IPEDS) ainsi que celle sur les caractéristiques de l’immigration obtenus auprès du US Citizenship and Immigration Services (USCIS) pour la période allant de 2003 à 2017. En combinant les deux bases de données, les auteurs parviennent à constituer un échantillon de 1 048 575 observations d’étudiants étrangers ayant obtenu un visa de travail temporaire d’une durée d’un an à la suite de l’obtention de leur diplôme. La variable dépendante de l’étude correspond au nombre d’étudiants étrangers diplômés qui ont été embauchés grâce à un visa temporaire alors que la variable indépendante est représentée par le nombre d’étudiants internationaux.

Afin de déterminer l’effet des étudiants étrangers sur le marché du travail, les auteurs utilisent une stratégie d’identification causale par régression linéaire empruntant la méthode par variables instrumentales. Ils utilisent la variation entre les frais de scolarité des étudiants internationaux et locaux pour estimer la part d’étudiants internationaux dans les universités. Cette variation représente la variable instrumentale non corrélée avec la variable dépendante.

Les résultats indiquent que 8% des bacheliers et 23% des diplômés de maîtrise originaire de l’étranger obtiennent un premier emploi aux États-Unis à la suite de leur diplomation. Lorsqu’on ventile en fonction du programme, on observe une plus grande tendance à l’emploi des diplômés provenant de programmes de STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) par rapport aux autres domaines d’étude. Ce résultat est lié à une réforme importante concernant ce groupe en 2008, qui a augmenté la durée des visas des diplômés de domaines STIM. La mise en place de cette réforme est associée à une augmentation de 6,5% du taux de premier emploi aux États-Unis des étudiants touchés.

Les auteurs concluent que l’influx d’étudiants étrangers a des impacts importants sur le marché du travail national. De plus, ils soutiennent que la conception des politiques migratoires dans ce domaine peut contribuer à soutenir l’offre de travailleurs qualifiés sur le marché du travail.


Pour en savoir plus :

Beine, M., Peri, G., & Raux, M. (2023). International college students’ impact on the US skilled labor supply. Journal of Public Economics, 223, 104917. https://doi.org/10.1016/j.jpubeco.2023.104917

 

 


La prise de décision concernant les fonds en enseignement supérieur dans un contexte déficitaire

La pandémie de Covid-19 aura créé une pression importante sur la gouvernance de l’enseignement supérieur. Gándara et coll. (2023) ont profité de ce contexte pour étudier le processus décisionnel gouvernemental concernant l’enseignement supérieur dans un contexte de resserrement budgétaire important.

Dans une situation de récession, les économies des pays développés ont tendance à réduire les budgets dédiés à l’enseignement supérieur. C’est effectivement ce qui s’est produit en 2020 pendant la pandémie de Covid-19 en Californie et au Texas. Les auteures cherchent à cibler les déterminants des décisions relatives au financement de l’enseignement supérieur dans ces cas spécifiques. Elles se concentrent notamment sur la description des choix des décideurs en ce qui concerne le financement de l’enseignement supérieur par rapport aux autres dépenses (p. ex. enseignement primaire ou secondaire). De plus, elles examinent les choix de dépenses au sein du budget de l’enseignement supérieur, tels que le financement des établissements et l’aide financière aux étudiants). Le choix du Texas et de la Californie comme cas d’étude est motivé par le contraste idéologique que ce tandem représente, le premier État étant plus conservateur et le second étant plus progressiste.

Les données de cette étude proviennent de deux sources. Premièrement, les auteures ont réalisé 28 entrevues avec des acteurs clés des gouvernements texan et californien. Deuxièmement, elles ont procédé à l’analyse de 69 documents politiques liés aux processus décisionnels de ces juridictions.  

En Californie, les budgets pour l’enseignement supérieur ont été réduits de 15% en 2020. Les décideurs ont décidé de prioriser l’aide financière plutôt que le soutien aux établissements. Au Texas, le budget pour l’enseignement supérieur a plutôt été réduit de 5%. Le Texas a aussi attribué une plus grande part de son budget dans le soutien aux établissements que la Californie.

Plusieurs tendances émergent de l’analyse de ces décisions de financement. D’abord, les community colleges ont été protégés des coupes dans les deux États. Les auteures avancent que les liens relativement étroits entre les dirigeants de ces collèges et les décideurs ont mené à ce résultat. Ensuite, la décision de la Californie de prioriser l’aide financière aurait été motivée par la pression de groupes sociaux (notamment des étudiants et des parents) qui étaient influents parmi la base électorale des décideurs. Enfin, les auteures ont observé des différences notables entre les discours des décideurs texans et californiens. Au Texas, les décideurs semblaient accorder une importance centrale à la « valeur économique » de l’enseignement supérieur. En Californie, les décisions ont plutôt été prises en tenant compte à la fois de la valeur économique et des considérations d’équité envers les groupes marginalisés.

Les auteures concluent que leurs résultats ont des implications en matière de politiques publiques. Les périodes de contraction budgétaire peuvent devenir une fenêtre d’opportunité pour les groupes voulant défendre les community colleges. En outre,  plusieurs décideurs semblent enclins à s’appuyer sur le financement privé des universités en temps de crise.


Pour en savoir plus :

Gándara, D., Billings, M. S., Rubin, P. G., & Hammond, L. (2023). “One of the Weakest Budget Players in the State”: State Funding of Higher Education at the Onset of the COVID-19 Pandemic. Educational Evaluation and Policy Analysis. https://doi.org/10.3102/01623737231168812


 


Quel est le lien entre les règles d’assurance-emploi et la diplomation?

Les politiques publiques relatives au marché du travail peuvent exercer une influence considérable sur les choix individuels en matière de scolarité, particulièrement en enseignement supérieur. Cockx et coll. (2023) examinent l’impact d’un changement dans les règles administratives de l’assurance-emploi en Belgique sur les résultats académiques.

En 2015, la Belgique adopte une réforme des règles d’assurance-emploi dont l’objectif était de renforcer les incitatifs à l’emploi. Elle modifie notamment « l’allocation d’activation », qui permet à un individu qui quitte le système scolaire (suite à la diplomation ou l’abandon) de percevoir des revenus pendant un an ou jusqu’à ce qu’il se trouve un emploi. L’un des changements principaux amenés par la réforme a été de réduire l’âge d’éligibilité à l’allocation d’activation de 29 ans à 24 ans.

Pour évaluer l’impact de ce changement, les chercheurs utilisent une méthode de différence-en-différence. Ils utilisent les données administratives des ministères de l’Enseignement supérieur des régions linguistiques flamande et francophone. Leur échantillon, d’une taille de 252 009 observations, inclut les étudiants de nationalités belges âgés de 22 et 24 ans au 31 décembre 2014. Le groupe contrôle de cet échantillon est composé des étudiants de 22 ans qui ne perdent leur éligibilité que deux ans plus tard. Le groupe traitement est composé des étudiants de 24 ans qui perdent leur éligibilité immédiatement. Les chercheurs ont ensuite analysé l’évolution des indicateurs académiques des deux groupes au cours des deux années suivant la réforme.

Les résultats montrent que la réforme a eu un effet bénéfique sur la rétention des étudiants. La réforme a causé une augmentation de 2,2% de l’obtention de diplôme universitaire. D’autre part, elle est aussi associée à une baisse de 1,1% de l’abandon des études. Les auteurs notent aussi que les effets de la réforme étaient plus marqués dans la région flamande que la région francophone.

Alors que l’objectif de la réforme belge est d’inciter les étudiants au travail, celle-ci entraîne aussi une augmentation de la rétention des étudiants à l’université. Les auteurs soulignent que, bien que cette réforme apporte des bénéfices clairs au marché du travail belge, elle induit probablement une baisse du bien-être liée à la perte des allocations. Les effets de cette baisse devraient être étudiés plus en détail pour avoir un portrait global des effets de la réforme.


Pour en savoir plus:

Cockx, B., Declercq K. & Dejemeppe M. (2023). Tightening eligibility requirements for unemployment benefits. Impact on educational attainment. Economics of Education Review. https://doi.org/10.1016/j.econedurev.2023.102424

 

 

La préférence du domaine d’étude et ses impacts sur les résultats académiques

La performance académique est l’objet de plusieurs études dans le domaine de l’enseignement supérieur. La capacité à s’inscrire dans son champ d’études préféré est susceptible d’avoir un effet potentiel à cet égard. Berlingieri et coll. (2023) examinent cette hypothèse dans le cas spécifique des étudiants allemands.

Les auteurs utilisent les données provenant du National Education Panel Study (NEPS) concernant des étudiants de première année au premier cycle en Allemagne lors du semestre d’hiver 2010/2011. Dans ce questionnaire, on demande entre autres aux participants d’identifier leur champ d’études préféré parmi les 59 champs possibles en Allemagne. Les étudiants participent au questionnaire pendant trois ans. L’échantillon final comprend 3 916 étudiants.

Pour identifier l’effet de la préférence du champ d’études, les auteurs utilisent un devis de recherche par variable instrumentale. Ils construisent un modèle permettant d’estimer la possibilité des étudiants d’étudier dans leur champ d’études préféré sur la base de l’accessibilité de ce champ d’études dans la région où résident leurs parents. L’estimation de la préférence du champ d’études est la variable instrumentale non corrélée aux variables d’intérêts qui sont les résultats académiques.

Les résultats obtenus concordent avec la littérature scientifique sur la question et montrent que d’étudier dans le bon champ d’études est important pour la réussite. En effet, cela réduit la possibilité d’abandon du programme de 20% et l’abandon universitaire de 11%. Cela augmente aussi le niveau de diplomation dans les délais normaux de 25%. D’autre part, lorsqu’on observe les caractéristiques socio-économiques des étudiants, on réalise que ces chiffres affectent particulièrement ceux issus de milieux défavorisés et les hommes.

En guise de conclusion, les auteurs soulignent que l’accès aux domaines d’étude préféré demeure un déterminant important du succès académique, particulièrement chez les individus provenant de milieux défavorisés. À cet égard, ils ajoutent que s’assurer d’avoir des places dans tous les programmes dans l’ensemble des régions pourrait aider à améliorer la réussite académique.



Pour en savoir plus :

Berlingieri, F., Diegmann, A., & Sprietsma, M. (2023). Preferred field of study and academic performance. Economics of Education Review, 95, 102409. https://doi.org/10.1016/j.econedurev.2023.102409


 

 

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Le Groupe de recherche en économie publique appliquée étudie les différentes politiques d’intervention de l’État. Il est actif en enseignement supérieur, en fiscalité et en simulations de politiques publiques.
 

 

 

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