VEILLE DE RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR



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Décembre 2023

21e édition

Un condensé mensuel des dernières publications scientifiques sur l’enseignement supérieur

Ce mois-ci :

 

  • L'accessibilité de l'aide financière et le réussite académique
  • Évaluation de la performance au Brésil
  • Enseignement magistral versus apprentissage actif
  • Genre, formation et rétroaction par les pairs

Bonjour à toutes et tous!

Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici.

Bonne lecture!

 



L’augmentation de la limite d’emprunts améliore-t-elle la situation des étudiants?

À l’automne 2007, un changement de politique d’aide financière aux États-Unis a mené à une augmentation substantielle de la limite d’endettement pour les emprunteurs étudiants.   Black et coll. (2023) profitent de ce contexte pour évaluer l’impact de l’accessibilité accrue des prêts étudiants sur la réussite académique et la situation financière après les études.

Pour des raisons d’accessibilité des données, l’étude porte spécifiquement sur les étudiants de l’État du Texas. Pour obtenir leur échantillon, les auteurs combinent deux bases de données, soit celle du Texas Higher Eduaction Coordinating Board et celle du National Credit Report provenant de la banque fédérale de New-York. L’échantillon inclut les étudiants qui se sont inscrits au premier cycle universitaire pour la première fois au cours de la période 2001 à 2008. La taille de l’échantillon finale est de 143 850 individus.

Pour identifier l’effet causal, les auteurs procèdent par la méthode de différence en différence. Pour ce faire, ils classifient les étudiants dans deux catégories. La première est celle des étudiants « sous-contrainte », c’est-à-dire ceux qui emprunteraient plus si la limite était plus grande. Les auteurs les identifient en choisissant les étudiants qui empruntent le montant exact de la limite avant la hausse. Ceux qui ne répondent pas à ce critère sont classifiés comme étudiants « sans contrainte ». Du point de vue de la recherche, le groupe « sous-contrainte » correspond au groupe traitement alors que le groupe « sans contrainte » correspond au groupe contrôle. L’effet causal est identifié par la variation dans les moyennes des deux groupes avant et après l’augmentation des limites d’emprunt. Parmi les variables dépendantes mesurées, on note l’obtention d’un diplôme, le nombre de crédits académiques, le taux de défaut de paiement sur les prêts et les gains de revenus jusqu’à dix ans après le début des études.

Les résultats de l’étude montrent dans l'ensemble que la hausse de la limite d’emprunt a des effets positifs sur plusieurs aspects. D’abord, la hausse de la limite d’emprunt mène à une augmentation de 2,7% à 5,3% du revenu des étudiants « sous-contrainte » après dix ans. Ensuite, cette politique a aussi des effets bénéfiques sur le parcours académique. Elle mène à une augmentation de 4,8% du taux d’inscription universitaire trois ans après le début des études et une augmentation de 5,1% du taux de diplomation de premier cycle dix ans après le début des études. Enfin, l’augmentation de la limite d’emprunt permet aussi de réduire le taux de défaut de paiement de 1,8% dix ans après le début des études.

Selon les auteurs, l’étude montre que la limitation de l’emprunt étudiant est un cas classique de défaillance du marché où les créditeurs sous-évaluent les rendements positifs liés à l’emprunt.


Pour en savoir plus : 

Black, S. E., Denning, J. T., Dettling, L. J., Goodman, S., & Turner, L. J. (2023). Taking It to the Limit: Effects of Increased Student Loan Availability on Attainment, Earnings, and Financial Well-Being. American Economic Review, 113(12), 3357–3400. https://doi.org/10.1257/AER.20210926




Est-ce que l’évaluation de la performance est efficace?

Machado, Terra et Tannuri-Pianto (2024) étudient la réponse des institutions universitaires à l’intégration d’un système d’évaluation de programme, le National System of Higher Education Evaluation (SINAES) au Brésil. Implanté en 2004, le SINAES a mis en place un indice composite (le Preliminary Program Grade - CPC) calculé une fois aux trois ans pour chaque programme de premier cycle dans l’ensemble des établissements publics et privés fédéraux. Les auteurs cherchent à savoir si la note calculée par le CPC à l’année t a un effet sur le CPC trois ans plus tard.

La forme du programme SINAES permet aux auteurs d’emprunter un design de régression en discontinuité. En effet, le SINAES prévoit cinq niveaux d’excellence de programmes, niveau atteint en fonction du CPC obtenu. Par exemple, le niveau cinq, soit l’excellence parfaite, est atteint lorsque le CPC d’un programme dépasse 3,945. Les auteurs exploitent donc le fait que des programmes ayant des CPC près de ce seuil ont probablement des caractéristiques semblables. Leurs données proviennent du National Institute for Education Research et couvrent la période de 2007 à 2018.

Les auteurs remarquent qu’être associé à un niveau plus faible que trois est lié à une augmentation de 0,203 point du CPC trois ans plus tard. Toutefois, les programmes d’études associés aux niveaux quatre et cinq ne voient aucune amélioration de leur CPC.  Les auteurs expliquent cette situation par le fait que, lorsqu’un programme obtient un niveau de trois ou moins, le SINAES prévoit des mesures punitives comme une restriction de l’accès à de l’aide financière. Les éléments du CPC contribuant le plus à l’augmentation de la note obtenue sont la qualité des infrastructures, la qualité de l’enseignement mesurée par une évaluation des étudiants, le niveau de dévouement des employés mesuré par un indice et la part des professeurs détenant un doctorat. Toutefois la performance des étudiants à un test standardisé et l’indice de valeur additionnelle (value added) du programme n’ont pas d’impact sur le CPC futur.

Les auteurs nuancent toutefois que les variables ayant contribué à hausser le CPC sont des éléments potentiellement falsifiables par l’administration. Enfin, les auteurs notent que leurs résultats sont plus forts chez les établissements privés puisqu’ils font face à des risques financiers plus grands que leurs pairs publics.



Pour en savoir plus :

Machado, A., Terra, R., & Tannuri-Pianto, M. (2024). Higher education responses to accountability. Economics of Education Review, 98, 102493. https://doi.org/10.1016/j.econedurev.2023.102493




Est-ce que l’enseignement magistral est plus ou moins efficace que l’apprentissage actif chez les étudiants en sciences sociales?
 
Les stratégies d’apprentissage en enseignement supérieur sont variées. Toutefois, il peut être difficile d’évaluer si elles contribuent bel et bien à une amélioration de la réussite des étudiants. Kozanitis et Nenciovici se penchent sur le sujet. Plus particulièrement, ils cherchent à savoir quelle stratégie d’apprentissage s’applique le mieux aux étudiants en sciences humaines et sociales.

Les auteurs réalisent une méta-analyse portant sur un échantillon de 104 études. Ils étudient comment l’enseignement traditionnel magistral et les techniques d’apprentissages actifs influencent la réussite scolaire chez les étudiants universitaires. Les études incluses dans leur base de données sont en date d’octobre 2019 ou plus ancienne.

Les auteurs montrent que l’effet moyen de l’apprentissage actif sur la réussite, mesurée par une moyenne pondérée des effets calculés par les études, est de 0,489 supérieur à celui de l’apprentissage magistral. Cet effet est plus grand chez certains sous-groupes. Par exemple, les classes de 20 étudiants ou moins et les cours plus avancés sont les sous-groupes qui bénéficient le plus de l’usage de techniques d’apprentissage actif. De même, certaines disciplines profitent plus de ce type d’enseignement que d’autres. C’est notamment le cas de la sociologie.

Toutefois, dans aucun cas l’enseignement magistral n’est associé à une plus grande réussite de la part des étudiants. Enfin, aucune technique particulière appartenant à l’apprentissage actif ne s’est distinguée, supposant que la manière dont il est implanté influence peu la réussite.


Pour en savoir plus:

Kozanitis, A., & Nenciovici, L. (2022). Effect of active learning versus traditional lecturing on the learning achievement of college students in humanities and social sciences: a meta-analysis. Higher Education, 1-18. https://doi.org/10.1007/s10734-022-00977-8




Le genre et de la formation ont-ils un impact sur la rétroaction par les pairs?

La rétroaction par les pairs (peer feedback) est une méthode d’enseignement de plus en plus populaire en enseignement universitaire. Il s’agit de demander aux étudiants d’offrir entre eux des commentaires sur leurs travaux. Ocampo et coll. (2023) étudient les effets du genre et de la formation sur la rétroaction par les pairs sur cette même activité.

Pour arriver à évaluer ces impacts, les auteurs élaborent une expérience par assignation aléatoire. Cette expérience a eu lieu dans une université privée des Philippines. Les participants sont 240 étudiants (120 femmes et 120 hommes) du baccalauréat en psychologie inscrits au cours de rédaction scientifique. L’étude porte sur trois variables indépendantes, soit le genre du participant (femme/homme), le genre fictif de la personne recevant la rétroaction (femme/homme) ainsi que la formation sur la rétroaction (avec/sans). Chaque participant pouvait donc se retrouver dans l’un des huit groupes possibles. Les auteurs de l’étude se sont assurés d’offrir une formation sur la rétroaction aux participants sélectionnés dans le groupe « avec formation ».

Dans le cadre du cours, on a demandé aux participants d’offrir des rétroactions écrites sur les travaux de leurs pairs. Pour chaque travail remis, on indiquait à l’évaluateur le genre fictif et choisi aléatoirement de la personne évaluée. Les rétroactions consistaient à répondre aux deux questions suivantes : « Qu’est-ce que l’étudiant a bien fait dans son travail? » et « Qu’est-ce que l’étudiant pourrait améliorer dans son travail? ». Une fois les rétroactions complétées, les auteurs de l’étude ont procédé à l’analyse textuelle de celle-ci sur plusieurs dimensions comme le nombre de mots, la positivité des commentaires ainsi que leur niveau d’information.

Pour la plupart des dimensions observées, les trois variables indépendantes n’ont pas d’impact significatif. Toutefois, l’étude montre que les femmes offrent un plus grand niveau de rétroaction que les hommes, à la fois en termes de nombre de mots et de segments de rétroaction. Les femmes tendent aussi à offrir des commentaires plus positifs et plus informatifs pour les travaux de moyennes et faibles qualités. D’autre part, lorsqu’on indique que la personne évaluée est un homme, la rétroaction comporte plus de commentaires informatifs. Enfin, le suivi d’une formation sur la rétroaction est lié à une augmentation du nombre de vérifications positives, c’est-à-dire un commentaire décrivant le travail ou une partie du travail comme bon ou bien.


Pour en savoir plus :

Ocampo, J. C., Panadero, E., Zamorano, D., Sánchez-Iglesias, I., & Diez Ruiz, F. (2023). The effects of gender and training on peer feedback characteristics. Assessment & Evaluation in Higher Education. https://doi.org/10.1080/02602938.2023.2286432



 

 

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Le Groupe de recherche en économie publique appliquée étudie les différentes politiques d’intervention de l’État. Il est actif en enseignement supérieur, en fiscalité et en simulations de politiques publiques.
 

 




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