*VEILLE DE RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR*
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Avril 2024
25^e édition
/Un condensé mensuel des dernières publications scientifiques sur
l’enseignement supérieur/
*Ce mois-ci :***
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* L'impact des prêts étudiants sur ceux en difficultés académiques
* L'efficacité des programmes Honors
* Les stratégies finlandaises de financement externe en recherche
* Les biais de genre dans l'évaluation de l'enseignement/
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Bonjour à toutes et tous!
Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes
éditions de la veille en cliquant ici
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Bonne lecture!**
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*Les prêts étudiants : sont-ils bénéfiques ou néfastes pour les
étudiants en difficultés académiques ?*
Si les prêts étudiants peuvent théoriquement éliminer certaines
barrières financières auxquelles sont confrontées les jeunes adultes
candidats aux études supérieures, et ainsi réduire les écarts
d’éducation entre riches et pauvres, les niveaux de dettes étudiantes
atteignent, malgré tout, des niveaux records, à un point tel que le
système de prêts étudiants est parfois remis en question. Certaines
craintes existent, par exemple, à l’effet que donner l’accès à ces prêts
aux étudiants en difficultés académiques pourraient les mener à
s’endetter sans pour autant obtenir de diplôme. Luke Chu et Cuffe (2024)
s’intéressent à ce phénomène et tentent d’évaluer l’impact de l’accès
aux prêts aux étudiants en difficulté sur leurs rendements académiques
et professionnels.
Pour analyser ce phénomène, les chercheurs utilisent des données
longitudinales du gouvernement néo-zélandais relatives à un total de 49
389 étudiants représentant près des trois-quarts des étudiants nationaux
néo-zélandais ayant commencé leur baccalauréat entre 2008 et 2011. Les
chercheurs tirent parti de l’introduction, en 2011, d’un seuil de
réussite académique conditionnel au renouvellement à l’accès aux prêts
étudiants. Ils utilisent ainsi une méthode de régression en
discontinuité pour créer un groupe traitement composé des étudiants
ayant atteint de justesse le seuil d’éligibilité par rapport à un groupe
contrôle des étudiants ayant échoué de justesse à l’atteindre.
Les résultats obtenus indiquent que, pour les étudiants autour du seuil
d’éligibilité, le fait de conserver l’accès aux prêts augmente la
probabilité d’obtenir éventuellement son diplôme de baccalauréat dans
une proportion allant de 60% à 70%. Du côté professionnel, le fait de
conserver l’accès aux prêts étudiants augmente le revenu mensuel moyen
d’environ 2000 dollars néo-zélandais (approximativement 1600 dollars
canadiens) et le percentile de revenu dans une proportion allant de 30 à
40 points de percentile. Les chercheurs notent toutefois que, bien que
leurs effets de revenus soient statistiquement significatifs, ils
demeurent moins précis que les effets obtenus sur la diplomation.
Selon les auteurs, ces résultats permettent d’atténuer la préoccupation
voulant qu’un accès trop facile aux prêts étudiants attire un trop grand
nombre d’étudiants peu performants vers l’enseignement supérieur, en
soulignant que la majorité des étudiants en difficulté réussiront
ultimement à graduer.
_Pour en savoir plus :_
Luke Chu, Y. W., & Cuffe, H. E. (2024). Do Academically Struggling
Students Benefit from Continued Student Loan Access? Evidence from
University and Beyond. The Review of Economics and Statistics, 106(1),
68–84.
https://doi.org/10.1162/rest_a_01144
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*Les programmes Honors : aussi efficace que les universités de haut
prestige ?*
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Pugatch et Thompson (2024) étudient l’impact sur les résultats scolaires
de l’admission au programme /Honors/ de l’Université de l’Oregon.
L’admission à ce type de programme permet aux étudiants d’accéder à des
classes de niveau de difficulté plus grand, de même qu’avoir une mention
sur leur diplôme qu’ils ont effectué un programme plus rigoureux.
Le processus d’admission est basé en grande partie sur un score
numérique synthétisant la qualité du candidat. Ce score est calculé en
tenant compte de divers critères tels que la moyenne générale au
secondaire, les performances à un test standardisé, la qualité de
rédaction d'un essai et l'expérience multiculturelle de l’étudiant. Ces
critères, évalués sur une échelle de 0 à 20 (sauf l'expérience
multiculturelle, notée de 0 à 5), déterminent la probabilité
d'acceptation des candidats. Les chances d'admission sont quasi-nulles
pour un score inférieur à 40, mais quasi-certaines pour un score
dépassant 50. L’étude se concentre sur les candidats entre 2005 et
2014. Sur les 3 066 demandes reçues, 54% ont été acceptées.
L'étude, utilisant un design de régression floue avec point de rupture,
identifie deux points de rupture, fixés à 44 et 50. Ces points de
rupture ont été estimés à l'aide d'un algorithme développé par les
chercheurs. Le modèle de régression comporte deux parties. La première
analyse d'abord l'admission au programme en fonction du score, en
divisant l'équation en sections distinctes déterminées par les points de
rupture. Ensuite, la deuxième partie estime les résultats scolaires en
fonction de l'admission au programme. Tous les calculs d'erreur sont
effectués par /bootstrap/.
Les résultats de l'étude révèlent que l'admission au programme
d'honneurs augmente la moyenne cumulative des étudiants de 0,1 point sur
une échelle de 0 à 4. Cependant, ces effets sont surtout observés parmi
les meilleurs étudiants. Paradoxalement, les étudiants de première
génération voient leurs notes diminuer en réponse à leur admission dans
le programme d'honneurs, par rapport à la fois aux étudiants de première
génération admis et aux candidats de première génération non admis.
Cette baisse des notes chez les étudiants de première génération est
principalement attribuée à leurs faibles performances dans les cours de
sciences naturelles.
_Pour en savoir plus : _
Pugatch, T., & Thompson, P. (2024). Excellence for all? University
honors programs and human capital formation. Educational Evaluation and
Policy Analysis, 1-17.
https://doi.org/10.3102/01623737241232971
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*Les stratégies de financement externe en recherche : le cas de la Finlande*
C’est en 2014 que la formule de financement des universités finlandaises
de sciences appliquées (ci-après UFSA) a été modifiée pour passer d’un
financement basé principalement sur le nombre d’étudiants à un
financement basé sur la performance. Cette réforme est accompagnée d’une
diminution de 20% des subventions gouvernementales de base, et de
l’introduction des activités de recherche, développement et innovation
(ci-après RDI) parmi les mandats principaux des UFSA. En ce sens, les
UFSA ont désormais une pression importante pour élargir leurs sources de
financement externe en lien avec les activités de RDI. Kohtamäki et von
Boguslawski (2024) s’intéressent aux objectifs stratégiques de
financement externe et aux plans d’actions des UFSA qui sont développés
dans un environnement dynamique complexe.
Pour analyser ce phénomène, les chercheurs utilisent une approche
principalement qualitative et faisant appel à la métaphore de l’écologie
des jeux (/ecology of game metaphor/) permettant de comprendre et de
conceptualiser les stratégies des UFSA en décomposant l’environnement en
quatre groupes de jeux (financement disponible, parties prenantes
externes, impacts des activités de RDI, et impact sur l’image
institutionnelle). Les joueurs ont ainsi besoin des apports d’un des
jeux pour atteindre les objectifs fixés dans un autre jeu. L’usage de
cette métaphore permet de tenir compte de la myriade de facteurs et
d’acteurs qui sont concernés, et de faire ressortir les aspects
d’interconnectivité complexe qui existe tant à l’intérieur de chaque jeu
qu’entre les différents jeux.
Les chercheurs appliquent cette théorie en ayant recours à des données
longitudinales de financement externe provenant de la base de données
gouvernementale /Vipunen/ (administrée par le ministère finlandais de
l’Éducation) et aux documents de planification stratégique provenant des
sites institutionnels. L’échantillon considéré comprend 22 universités
pour la période allant de 2015 à 2022.
Les résultats obtenus sont de plusieurs ordres. Premièrement, les
stratégies des UFSA tendent à s’aligner sur la formule de financement du
gouvernement et sur les réductions du financement public. Deuxièmement,
les acteurs sont marqués par une forte interdépendance, alors que le
succès ou l’échec d’un des acteurs affecte les résultats financiers des
autres acteurs. Troisièmement, les UFSA diffèrent dans l’importance
qu’elles accordent aux enjeux de développement régional. Quatrièmement,
les UFSA reconnaissent la valeur de la collaboration et des partenariats
avec d’autres acteurs tels les entreprises, les municipalités, les
autres universités ou encore des partenaires internationaux. Toutefois,
elles rivalisent activement pour le financement de la RDI. Leurs
approches ne se caractérisent donc pas par une stratégie singulière et
unidirectionnelle, mais plutôt par des ensembles de stratégies et de
tactiques de jeu interconnectées et multiformes. Les chercheurs notent
toutefois que, bien que les documents de stratégies institutionnelles
discutent des buts et des objectifs centraux, ils ne peuvent pas être
considérés comme des manuels de prise de décision car ils n’offrent pas
d’informations sur la manière dont les objectifs seront atteints.
_Pour en savoir plus: _
Kohtamäki, V., & von Boguslawski, M. (2024). Strategic ambitions of
external RDI funding in Finnish universities of applied sciences.
Studies in Higher Education, 1–16.
https://doi.org/10.1080/03075079.2024.2334840
<https://doi.org/10.1177/00915521231163855>
<https://doi.org/10.1080/00221546.2022.2044976>__
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*Évaluation de l’enseignement par les étudiants : biaisée ou non ? *
L'étude de Binderkrantz et Bisgaard (2024) explore les évaluations de
l'enseignement universitaire et leur possible biais, en mettant en avant
le rôle du genre des professeurs. Basée sur une base de données de près
de 125 000 évaluations effectuée entre 2018 et 2020 provenant d’une
université danoise, l'étude adopte une approche multidimensionnelle
comprenant une analyse quantitative, basé sur un modèle de régression
logistique ordinale généralisée, et deux volets qualitatifs, impliquant
l'examen des commentaires laissés par les étudiants et des entrevues
semi-dirigés avec 20 participants. Les évaluations, standardisées et
anonymes, révèlent une prédominance de professeurs masculins (64%) et
d’étudiantes féminines (56%) parmi les participants.
L'analyse quantitative est centrée sur une seule question de
l’évaluation portant sur l’évaluation de la communication du professeur.
Les réponses possibles prennent la forme d’une échelle de Likert.
L’estimation du modèle ne permet pas de révéler de biais de genre.
Cependant, l'introduction d'une variable d'interaction entre le genre du
professeur et celui de l’étudiant dévoile un effet notable : les
étudiants notent mieux la communication lorsqu'ils partagent le même
genre que le professeur, suggérant ainsi une affinité influençant les
évaluations. L’estimation du modèle, qui résiste à plusieurs tests de
robustesse, permet d’évaluer que la probabilité de donner une meilleure
évaluation augmente de 46% et 52% lorsque le professeur correspond au
genre de l’étudiant qui l’évalue.
Les volets qualitatifs de la recherche confirment ces résultats : les
évaluations négatives sur la communication sont souvent accompagnées de
commentaires, en particulier chez les étudiants masculins lorsqu’ils ont
des professeures appartenant au genre féminin. Les étudiantes laissent
quant à elle plus de commentaires positifs avec des professeures du même
genre et des commentaires neutres avec des professeurs masculins. Les
entretiens avec les étudiants soulignent également une préférence pour
les enseignants du même genre. Ces entrevues sont effectuées auprès
d’étudiants étudiant en administration des affaires et en économie et
comporte une part égale d’étudiants masculins et féminins. Ces entrevues
permettent également de révéler que les étudiants masculins accordent
une plus grande importance à l’humour et à la prestance de leur
professeur. L’analyse des commentaires permettait en effet de constater
que les étudiants masculins utilisent souvent le terme « humour » pour
décrire le caractère de leur professeur masculin, ce qu’ils ne faisaient
pas pour leur professeur féminin.
Les auteures soulignent que, bien que l’étude n’ait pas révélée de biais
de genre dans les évaluations, cette recherche évolue dans le contexte
féministe danois, où l'égalité des genres est soutenue.
_Pour en savoir plus : _
Binderkrantz, A. S., & Bisgaard, M. (2024). A gender affinity effect:
the role of gender in teaching evaluations at a Danish university.
Higher Education, 87(3), 591-610.
https://doi.org/10.1007/s10734-023-01025-9
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Le Groupe de recherche en économie publique appliquée étudie les
différentes politiques d’intervention de l’État. Il est actif en
enseignement supérieur, en fiscalité et en simulations de politiques
publiques.
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