*VEILLE DE RECHERCHE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR*
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Septembre 2022
9^e édition
/Un condensé mensuel des dernières publications académiques sur
l’enseignement supérieur/
*Ce mois-ci :***
**
·Les impacts d’une perte d’aide financière au mérite
·L’effet des programmes d’assistanat en ligne sur l’inscription
universitaire
·L’état de la dette étudiante des cycles supérieurs aux États-Unis
·L’impact de la réussite des examens de fin d’études sur le rendement
scolaire
La veille de recherche du GREPA a désormais un tout nouveau format!
Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes
éditions de la veille en cliquant ici
<https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest>.
Bonne lecture!**
*Quels sont les impacts d’une perte d’aide financière au mérite pour les
étudiants de premier cycle?*
Bien que plusieurs études aient été menées sur l’impact socio-économique
de l’aide financière au mérite, peu de recherches ont été effectuées sur
la perte de celle-ci pendant un cycle d’études. Avec cet article,
Cummings et coll. (2022) espèrent combler ce manque. Les chercheurs
portent une attention particulière aux sous-groupes qui peuvent être
touchés le plus par ce phénomène, soit les noirs et les étudiants à
faibles revenus.
Les chercheurs se basent sur les données administratives de l’État du
Tennessee au cours de la période 2011-2014. Spécifiquement, leur base de
données inclut les étudiants qui en sont à leur premier semestre d’étude
et qui bénéficient alors d’une bourse HOPE. L’échantillon est composé de
43 786 étudiants. Pour identifier le lien causal, Cummings et coll.
(2022) utilisent des régressions s’appuyant sur une discontinuité. Ils
exploitent le seuil d’éligibilité au renouvellement de la bourse HOPE
fixé à une GPA de 2,75 après le premier semestre d’étude. Seuls les
étudiants près de ce seuil sont considérés. Les étudiants ayant une
moyenne inférieure et ayant perdu la bourse constituent le groupe
traitement alors que les étudiants ayant une moyenne supérieure et ayant
conservé la bourse constituent le groupe contrôle.
L’analyse des données montre que les étudiants ayant perdu l’accès à la
bourse HOPE ont 2,5% plus de chances d'arrêter leurs études la session
suivante. Il s’agit d’un effet qui est encore plus grand chez les
étudiants blancs dans le groupe de revenu le plus élevé. Chez les
étudiants noirs, la perte d’aide financière mène à une augmentation de
4,9% des chances de transfert vers un /community college/. Enfin, la
perte d’aide financière n’a pas d’effet négatif statistiquement
significatif sur la diplomation dans les délais habituels pour
l’ensemble de l’échantillon. Cependant, les étudiants noirs ont des
probabilités 15,5% plus basses de compléter leur baccalauréat s’ils ont
perdu l’aide financière.
Selon les auteurs, les effets négatifs de la perte d’aide financière
semblent se concentrer en grande partie chez les étudiants noirs.
Conséquemment, les auteurs suggèrent que des interventions ciblées
envers les étudiants noirs pourraient réduire de manière importante les
impacts de la perte d’aide financière au mérite.
_Pour en savoir plus : _
Cummings, K. M., Deane, K. C., McCall, B. P. et DesJardins, S. L.
(2022). Exploring Race and Income Heterogeneity in the Effects of State
Merit Aid Loss Among Four-Year College Entrants, /The Journal of Higher
Education/. https://doi.org/10.1080/00221546.2022.2042155
<https://doi.org/10.1080/00221546.2022.2042155>
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*Est-ce que les programmes d’assistanat en ligne augmentent les
inscriptions universitaires?*
La complexité des procédures d’inscription et d’accès à l’aide
financière est un obstacle majeur à l’accès à l’éducation supérieure,
notamment pour les groupes les plus défavorisés. Plusieurs programmes
d’assistanats visent à accompagner les étudiants de ce processus afin de
réduire ces barrières. Philips et Reber (2022) étudient l’effet de tels
programmes d’assistanat virtuels pour vérifier leur efficacité en termes
d’inscription universitaire.
Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont travaillé avec l’organisme
californien /EdBoost Education/ ayant mis en place le programme
d'assistanat virtuel V-SOURCE. Ce programme est composé de deux
variantes, soit le programme /Milestone/ qui donne accès à un site web
et une série d’outils en ligne et le programme /Complete /qui inclut en
plus un conseiller personnel accessible à travers la plateforme. Ce
programme avait préalablement ciblé des écoles secondaires de six
différents comtés, ce qui a permis aux chercheurs d’établir un
échantillon de 6 500 étudiants participants à l’étude. Seuls les
étudiants étant potentiellement éligibles à l’admission dans une
université faisaient partie de l’échantillon. Ces étudiants ont ensuite
été répartis en trois groupes: deux groupes traitements pour chacune des
variantes et un groupe contrôle n’ayant pas accès aux ressources en ligne.
Les résultats de l’étude montrent que le programme d’assistanat virtuel
au processus d’admission produit certains effets désirables pendant les
procédures liées aux admissions. Notamment, les étudiants bénéficiant du
programme tendent à se sentir soutenus lors au cours du processus (8%
plus pour la variante /Milestone /et 15,2% plus pour la
variante/Complete/). Les étudiants ayant achevé la variante /Complete
/étaient aussi 5,4% plus susceptibles que ceux du groupe contrôle
d’effectuer au moins deux demandes d’admission.
Les impacts des deux programmes sur le taux d’application à l’université
sont positifs et statistiquement significatifs à des intervalles de
confiance d’au moins 95%. Les variantes /Milestone /et /Complete/
augmentent respectivement de 2,5% et 3,4% les niveaux d’application
autodéclarés. Toutefois, aucune des deux variantes ne semble avoir
d’impact statistiquement significatif sur l’admission, l’inscription ou
la persistance universitaire des étudiants y ayant participé.
Les auteurs concluent que, bien que ces programmes d'assistanat virtuel
réduisent les barrières d’accession à l’université dans certains cas
(surtout chez les étudiants hispanophones), leurs effets restent
généralement très modestes. Conséquemment, ils soulignent des
interventions plus intensives devraient être envisagées.
_Pour en savoir plus: _
Phillips, M. et Reber, S. (2022). Does Virtual Advising Increase College
Enrollment? Evidence from a Random-Assignment College Access Field
Experiment. /American Economic Journal: Economic Policy/, /14/(3),
198‑234.<https://doi.org/10.1257/POL.20200515>https://doi.org/10.1257/POL.20200515
<https://doi.org/10.1257/POL.20200515>
*Quel est l’état de la dette étudiante américaine des cycles supérieurs
chez les minorités visibles?*
Aux États-Unis, les étudiants afro-américains et hispaniques sont de
plus en plus représentés au sein des cycles supérieurs. L’un des outils
qui auraient permis cette ascension est les prêts étudiants. Toutefois,
l’accès aux prêts étudiants vient avec son lot de conséquences. Webber
et Burns (2022) étudient l’une d’entre elles, soit l’accumulation de
dettes chez les étudiants de ces communautés.
Les auteurs cherchent à décrire l’évolution de la dette étudiante aux
cycles supérieurs. Pour y arriver, ils utilisent les données des
questionnaires de la /National Postsecondary Student Aid Study /des
années 2000 et 2016. Il s’agit d’échantillons de 9 660 et 23 350
étudiants pour 2000 et 2016 respectivement.
Parmi les constats plus généraux, on note une augmentation de l’emprunt
et de l’endettement pour tous les types d’universités (public, privé à
but non lucratif et privé à but lucratif) entre 2000 et 2016.
L’augmentation moyenne des emprunts pendant cette période était de 11
620 $US dans les institutions publiques et 13 110 $US dans les
institutions privées.
En se concentrant sur certains sous-groupes, le portrait étayé par les
chercheurs montre que les dettes des noirs et des hispanophones sont
particulièrement grandes. Par exemple, pour étudier dans des universités
privées en 2016, les étudiants noirs empruntaient plus de 22 000 $US que
les blancs et les hispanophones empruntaient plus de 16 000 $US que les
blancs.
Les chercheurs notent que d’autres études ont montré que plusieurs
effets indésirables étaient liés à l’accumulation de dettes étudiantes,
comme la réduction de l’intérêt de travailler dans la fonction publique
ou la baisse de participation à la vie civique.
_Pour en savoir plus:_
Webber, K. L. et Burns, R. A. (2022). The Price of Access: Graduate
Student Debt for Students of Color 2000 to 2016. /The Journal of Higher
Education/, /93/(6),
934‑961.<https://doi.org/10.1080/00221546.2022.2044976>https://doi.org/10.1080/00221546.2022.2044976
<https://doi.org/10.1080/00221546.2022.2044976>__
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*Quels sont les impacts de la réussite des examens de fin d’études sur
le succès postsecondaire?*
Dans plusieurs pays, les examens de fin d’études standardisés dans
certaines disciplines sont une étape commune pour les étudiants.
L’importance de ces examens est justifiée par l’idée que ces examens
améliorent les aptitudes et opportunités d’emplois des étudiants (Evers
& Walberg, 2002). Papay, Mantil et Murnane (2022) évaluent l’impact de
la réussite de tels examens sur le rendement scolaire des étudiants pour
vérifier si la théorie tient la route.
Pour y arriver, les chercheurs utilisent une base de données
longitudinale sur les étudiants du secondaire dans l’État du
Massachusetts sur la période 2003-2007 fusionnée avec les données du
/National Student Clearinghouse /(NSC) concernant l’inscription et la
diplomation des étudiants à l’université. Papay, Mantil et Murnane
(2022) utilisent des régressions s’appuyant sur une discontinuité. La
variable indépendante est le résultat à l’examen de mathématique de
dixième année alors que les principales variables dépendantes sont la
diplomation de l’école secondaire, l’inscription à l’université et la
diplomation de l’université. Pour bien analyser l’effet de la réussite,
seuls les étudiants ayant réussi ou échoué l’examen près du seuil de
réussite sont considérés dans les échantillons (N_1 = 35 304, N_2 = 25 284).
Les résultats obtenus montrent qu’il existe une relation positive entre
l’effet de traitement (réussite à l’examen) et la probabilité de
diplomation du secondaire. Cet effet est toutefois concentré au sein des
étudiants de familles à faibles revenus, où il monte à 3,3%. Quant à la
diplomation de l’université, la réussite à l’examen augmente de près de
1% sa probabilité, mais l’effet est cette fois-ci concentré chez les
étudiants de familles à hauts revenus (2,1%). D’autre part, la réussite
au test a aussi un effet différencié selon la classe sociale en ce qui
concerne l’inscription à l’université. Bien que la réussite à l’examen
augmente l’inscription de 2% chez les deux groupes, cette augmentation
se traduit par une plus grande probabilité d’inscription aux diplômes de
deux ans (/Two-year college/) chez les plus pauvres et par une plus
grande probabilité d’inscription aux diplômes de quatre ans (/Four-year
college/) chez les plus riches.
Les auteurs de l’étude concluent que leurs résultats tendent à démontrer
que la réussite aux examens de fin d’études a un impact positif sur les
rendements scolaires des étudiants. Bien qu’ils admettent que plusieurs
mécanismes semblent être à l’œuvre, les auteurs suggèrent que la
réussite agit comme un signal d’encouragement, surtout pour les
étudiants qui prévoyaient un échec. De surcroît, ils mentionnent
l’importance de trouver des formes alternatives d’encouragement à
l’éducation pour celles et ceux qui ne réussissent pas.
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_Pour en savoir plus:_
Papay, J. P., Mantil, A. et Murnane, R. J. (2022). On the Threshold:
Impacts of Barely Passing High-School Exit Exams on Post-Secondary
Enrollment and Completion. /Educational Evaluation and Policy Analysis/
https://doi.org/10.3102/01623737221090258
<https://doi.org/10.3102/01623737221090258>__
Evers, W. M. & Walberg, H. J. (Eds.). (2002). /School accountability/.
Hoover Institution Press.
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Le Groupe de recherche en économie publique appliquée étudie les
différentes politiques d’intervention de l’État. Il est actif en
enseignement supérieur, en fiscalité et en simulations de politiques
publiques.
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Liste de diffusion Veille de recherche en enseignement supérieur --
veille(a)listes.grepa.ca
Pour vous désinscrire, envoyez un courriel à
veille-quitter(a)listes.grepa.ca <mailto:veille-quitter@listes.grepa.ca>**
Le retour des vacances rime également avec l’arrivée de l’édition d’août 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur. Celle-ci abordera les sujets suivants :
1. Pourquoi le taux de diplomation a-t-il augmenté au cours des 30 dernières années ?;
2. Financement à la performance : comment a-t-il évolué au cours du dernier quart de siècle;
3. Internationalisation de l’enseignement supérieur : tendance vers la mobilité étudiante en ligne ?;
Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici (https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest).
Toute l'équipe vous souhaite un bon retour au travail !
Pourquoi le taux de diplomation a-t-il augmenté au cours des 30 dernières années ?
Utilisant plusieurs vagues de sondages longitudinaux nationaux menés auprès d’étudiants de niveau secondaire et universitaire entre 1988 et 2013, Denning, Eide, Mumford, Patterson et Warnick (2022) évaluent l’évolution du taux de diplomation depuis le début des années 1990. Ils empruntent la même stratégie empirique que Bound, Lovenheim et Turner (2010), soit une décomposition de Blinder-Oaxaca identifiant les facteurs liés à cette augmentation.
Les résultats de Denning et al. (2022) montrent que les facteurs institutionnels et individuels n’expliquent pas la hausse du taux de diplomation. Le principal facteur se démarquant est la moyenne cumulative pondérée (GPA) des étudiants. Les auteurs constatent que celle-ci est en augmentation depuis les années 1990, mais que cette variation n’est pas expliquée ni par un changement dans les caractéristiques des étudiants ni dans leur préparation aux études universitaires (ex. : en passant plus de temps à étudier). Les auteurs remarquent également que les hausses de la moyenne cumulative ne sont pas observées dans les institutions privées à but lucratif.
Les auteurs concluent que, comme le financement par étudiant a diminué, il est peu probable que les universités américaines aient consacré plus de ressources aux aides pédagogiques. Ils tendent plutôt vers l’explication qu’on soit en train de voir les résultats d’une inflation des résultats scolaires, portés par les incitatifs à améliorer les taux de diplomation au niveau national.
Pour en savoir plus :
Denning, J. T., Eide, E. R., Mumford, K. J., Patterson, R. W., & Warnick, M. (2022). Why have college completion rates increased?. American Economic Journal: Applied Economics, 14(3), 1-29. (https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/app.20200525)
Financement à la performance : comment a-t-il évolué au cours du dernier quart de siècle
Ortagus et al. (2022) définissent les grandes tendances des 24 dernières années en matière de financement à la performance (performance based funding – PBF) aux États-Unis. Ils fournissent également un accès public à une base de données détaillée du PBF depuis 1997 jusqu’à 2020 dans divers États. Celle-ci rassemble notamment des informations telles que les montants et les parts du financement alloué au PBF ainsi que les critères d’évaluation utilisés. Elle indique aussi si le PBF était simplement un bonus aux subventions de base ou s’il était la composante principale du modèle de financement des États. Les auteurs ajoutent également une distinction entre deux types de PBF : celui approuvé, mais non financé et celui approuvé et financé.
Les conclusions de cette étude descriptive révèlent que le PBF a connu trois vagues d’adoption depuis le dernier quart de siècle. Les deux premières, une lors des années 1990 et la seconde au milieu des années 2000, étaient d’importance moindre comparativement à celle qui a suivi la grande récession de 2008. Les auteurs notent aussi que les modalités des systèmes incluants du PBF varient énormément dans le temps. Il arrive fréquemment que, bien que du PBF soit implémenté une année, aucun financement n’y soit alloué lors de cette période.
Les auteurs estiment qu’à l’heure actuelle environ 6,1 milliards de dollars américains sont alloués au PBF en enseignement supérieur aux États-Unis, représentant environ 9% des subventions totales dans ce secteur. 41 États américains ont inclus au moins une fois du PBF dans leur mode de financement au cours des 24 dernières années et 32 l’ont conservé en 2020. Toutefois, la portion du financement public attribuée à ce type de financement au sein de chaque État reste minime : 50% des États l’utilisant allouent moins de 7% de leur financement au PBF. En outre, la plupart incluent des mesures protectionnistes limitant la perte financière occasionnée aux institutions en cas de non-atteinte des objectifs.
Les auteurs remettent également en question l’existence de deux systèmes distincts de PBF (1.0 et 2.0). Le PBF 1.0 est principalement associé à des bonus, alors que le deuxième est lié à l’atteinte de critères de performance. En effet, ils nuancent leur point de vue en indiquant que la part des fonds alloués à ce mode de financement est plus importante que la façon dont il est distribué.
Enfin, les critères utilisés afin de financer les établissements selon un fonctionnement PBF varient à travers le temps : désormais, on inclue plus d’objectifs liés à l’arrimage avec le marché du travail. Les auteurs remarquent aussi une tendance « choose your own adventure », où les institutions elles-mêmes choisissent sur quels critères elles veulent être évaluées.
Ortagus et al. concluent en suggérant que les difficiles années financières à venir pourraient donner lieu à une nouvelle vague d’adoption de systèmes de financement basés sur le PBF.
Pour en savoir plus :
Rosinger, K. O., Ortagus, J., Kelchen, R., Cassell, A., & Brown, L. C. (2022). New Evidence on the Evolution and Landscape of Performance Funding for Higher Education. The Journal of Higher Education, 1-34. (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00221546.2022.2066269)
Lien vers la base de données (https://informedstates.org/pbf-funding-policies-dataset-download)
Internationalisation de l’enseignement supérieur : tendance vers la mobilité étudiante en ligne ?
En raison de la pandémie de COVID-19, plusieurs étudiants inscrits à un programme de mobilité internationale ont vu cette expérience transformée en une virtuelle. López-Duarte, Maley et Vidal-Suárez (2022) étudient la perception de ces étudiants par rapport à cette expérience, de même qu’à l’avenir de ce mode d’échange étudiant.
Les auteurs ont mené un sondage en ligne en juin 2020 auprès de 1194 étudiants de l’Université d’Oviedo en Espagne. Ceux-ci avaient, entre les années universitaires 2018-2019 et 2020-2021, participé à un programme de mobilité international standard ou, dans le cas de l’année 2020-2021, simplement été sélectionnés à participer.
Lors du début de la pandémie de COVID-19 en Europe en février 2020, les 297 étudiants enrôlés à ce moment dans un programme de mobilité internationale (PMI) ont dû choisir entre continuer leurs études dans leur pays d’accueil ou retourner en Espagne. Environ la moitié ont choisi la première option alors que la seconde moitié a choisi de poursuivre un programme de mobilité internationale virtuel (PMIV) dans leur pays d’origine.
Les auteurs ont constaté que la majorité (85%) des étudiants ayant choisi la deuxième option ont senti qu’ils ne sentaient pas faire partie de leur université d’accueil. Plus de la moitié ont aussi souligné la difficulté de se motiver à étudier seul en ligne. En outre, en comparant les deux types de cohortes, ceux ayant choisi l’option PMIV sont ceux qui ont atteint le niveau le moins élevé de développement personnel et professionnel. Toutefois, le développement de leur compétence langagière dépassait celui des cohortes restées dans un PMI standard. Enfin, les étudiants dans un PMIV n’ont pas relevé les difficultés techniques et informatiques comme étant un enjeu.
Quant à l’appréciation du programme, le sondage a révélé que 45% des étudiants considéraient qu’un PMIV était une alternative acceptable à un PMI dans le cadre d’une situation où le celui-ci n’est pas considérable (ex. : une pandémie mondiale). Toutefois, sans ces limitations, seulement 10% d’entre eux accepteraient une telle substitution.
Pour en savoir plus :
López-Duarte, C., Maley, J. F., & Vidal-Suárez, M. M. (2022). International mobility in higher education: students’ attitude to international credit virtual mobility programs. European Journal of Higher Education, 1-20. (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/21568235.2022.2068637)
L’édition de juin 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur abordera les sujets suivants :
1. L’impact de l’undermatching sur le taux de diplomation;
2. Les effets des pratiques pédagogiques à haut impact sur le taux de diplomation universitaire;
3. Les politiques de transferts entre universités : à quel point les interfaces en ligne appuient-elles les étudiants dans ce processus ?;
4. L’étude de la modélisation de l’allocation de la charge de travail universitaire : la problématique et les enjeux associés.
La veille de recherche en enseignement supérieur sera mise sur pause durant le mois de juillet, pour revenir en force dès le mois d’août.
Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici (https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest).
L’undermatching : quel impact sur le taux de diplomation ?
Gansemer-Topf, Downey, et Genschel (2020) étudient le concept de surqualification à l’admission, c’est-à-dire le phénomène où des étudiants choisissent de s’inscrire à une université où les critères de sélection sont en deçà de leur capacité. Les auteurs se concentrent sur les caractéristiques de ces étudiants liées à l’obtention du diplôme.
Les auteurs utilisent deux bases de données nationales américaines pour établir les caractéristiques académiques et financières de ces étudiants, soit la Education Longitudinal Study de 2002 et la Beginning Postsecondary Students de 2004. Ils utilisent le Barron’s Selectivity Ratings pour classer les établissements.
Gansemer-Topf et al. identifient ensuite les étudiants qui sélectionnent des universités en deçà de leur niveau académique. Les auteurs regroupent les étudiants surqualifiés en deux groupes sur la base d’une analyse en composantes principales. Le premier groupe est lié à la réussite au secondaire alors que le second est lié au milieu socioéconomique. Les auteurs incluent notamment le niveau de mathématiques le plus difficile atteint au secondaire, de même que le plus haut niveau de scolarité des parents. Ils ajoutent également un indice d’intégration sociale ainsi qu’un index d’intégration académique après une année complète à l’université et une variable indiquant si le premier établissement fréquenté était une université offrant des programmes de quatre ans [qui correspondent au baccalauréat au Québec]. Les auteurs ont retenu le modèle statistique ayant le critère d’information d’Akaike (AIC) le plus élevé.
En termes de résultats des auteurs, retenons que plus un étudiant fréquente une université ayant des critères de sélection faible, plus faible est leur probabilité d’obtenir un diplôme. Les caractéristiques associées à l’obtention du diplôme dans les délais prescrits sont le fait d’être une femme, le fait de s’inscrire à une université offrant des programmes d’une durée de quatre ans, le fait d’avoir suivi des cours préparatoires aux calculs différentiel et intégral et le fait d’être intégré socialement au sein de l’établissement. Fait important, les variables d’ordre financières ne sont pas ressorties comme étant significatives, indiquant que le choix des étudiants surqualifiés ne semble pas influencé par des contraintes monétaires.
La méthodologie statistique est cependant assujettie à la critique. Rappelons que le critère d’Aikake n’est qu’une mesure évaluant la capacité d’une régression à reproduire un échantillon (comme le R-carré). Ce faisant, il n’est garant d’aucun lien de cause à effet. À ce titre, les résultats liant la surqualification à la probabilité d’obtention d’un diplôme suggèrent une relation causale inversée.
Pour en savoir plus :
Gansemer-Topf, A. M., Downey, J., & Genschel, U. (2020). Overcoming undermatching: Factors associated with degree attainment for academically undermatched students. Journal of College Student Retention: Research, Theory & Practice, 22(3), 402-424. (http://Overcoming%20undermatching:%20Factors%20associated%20with%20degree%2…)
Quel effet ont les pratiques pédagogiques à haut impact sur le taux de diplomation universitaire ?
Johnson et Stage (2018) se questionnent sur l’efficacité de certaines pratiques de grandes universités publiques américaines sur le taux de diplomation universitaire. L’Association of American Colleges and Universities (AAC&U) identifiaient, en 2008, dix pratiques estimées à « haut impact » afin de favoriser la réussite scolaire des étudiants. Les autrices ont exploré l’impact de ces mesures sur la diplomation. Parmi les pratiques mises de l’avant, on note la tenue de séminaires dédiés aux étudiants de première année, la création de communautés d’apprentissage, le développement de cours favorisant la rédaction, l’encouragement aux travaux collaboratifs, l’intégration d’étudiants de premier cycle en recherche, la production d’un projet de fin de formation (capstone projects), le suivi de stage, les échanges internationaux et l’accès à de l’aide pédagogique.
Les autrices utilisent des données provenant de l’Integrated Postsecondary Education Data System (IPEDS) et du Barron’s Profile of American Colleges (2015). Elles utilisent également un sondage envoyé aux responsables administratifs et pédagogiques de 244 institutions publiques. Il mesure le niveau d’intégration et d’accessibilité de ces pratiques au sein des établissements.
Les autrices utilisent plusieurs modèles de régression en moindres carrés ordinaires pour estimer les résultats. Les autrices n’ont pas de stratégie d’identification de lien de cause à effet. Leurs résultats suggèrent qu’aucune mesure n’a un impact sur le taux de diplomation. Dans le modèle jugé le plus pertinent, incluant des variables de contrôle institutionnel, la seule pratique statistiquement significative - la tenue de séminaires dédiés aux premières années - suggère un impact négatif, signifiant que son implantation mène à une baisse du taux de diplomation.
Enfin, les autrices notent que le nombre de pratiques implantées n’est pas corrélé avec le taux de diplomation, indiquant qu’une sélection soignée des pratiques à instaurer au sein d’un établissement serait potentiellement plus efficace.
Pour en savoir plus :
Johnson, S. R., & Stage, F. K. (2018). Academic engagement and student success: Do high-impact practices mean higher graduation rates?. The Journal of Higher Education, 89(5), 753-781. (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00221546.2018.1441107)
Les politiques de transferts entre universités : à quel point les interfaces en ligne appuient-elles les étudiants dans ce processus ?
Schudde, Bradley et Absher (2020) explorent comment les ressources numériques associées aux transferts interuniversitaires d’étudiants sont conviviales. S’intéressant plus particulièrement au cas des institutions texanes, elles ont mené des entrevues auprès du personnel chargé de ces tâches dans 20 community colleges. Leur recherche comprend deux angles : la perception des employés quant à la valeur de l’information disponible en ligne et l’utilité effective de cette information.
Au total, 26 membres du personnel dans 18 établissements différents ont été interviewés durant l’année 2016. En plus des entrevues, les autrices analysent les site web de chaque établissement afin d’évaluer le degré de facilité d’accès et leur utilité. Les autrices développent deux indices allant de 1 à 5 pour chacun de ces aspects, 1 étant la pire note possible et 5, la meilleure. Le degré de facilité d’accès est mesuré par une simulation de recueil d’informations d’un étudiant : le nombre de pages différentes, l’usage de la barre de recherche du site web, l’usage de Google en dernier recours et le besoin de retourner en arrière en cas d’emprunt d’un chemin erroné. Le niveau d’utilité est déterminé en fonction du détail des informations fournies, de même qu’une évaluation (subjective) de la qualité. Par exemple, une page incluant des liens brisés ou ne menant qu’à la page d’accueil du site web de l’université faisait baisser le niveau de qualité de l’information.
Leurs résultats suggèrent que le site web de la moitié des établissements étudiés offre des informations faciles d’accès et près de la moitié contiennent des informations considérées très utiles. Toutefois, les autrices notent que la plupart des sites web incluent des liens brisés et des informations incomplètes. Les entrevues ont révélé que le personnel des institutions a de la difficulté à trouver rapidement les informations nécessaires sur leur propre site web. De même, les répondants notent que dans plusieurs cas, l’information fournie en ligne n’est pas destinée aux étudiants, mais au personnel d’autres universités, sans aucune mention du public ciblé. Les employés indiquent également que la meilleure manière d’obtenir des informations claires et précises est de rencontrer un conseiller. Cependant, seuls neuf établissements sur les 20 étudiés incluaient les coordonnées du personnel à contacter.
Schudde et al. recommandent de garder les sites web à jour et d’effectuer une révision de leur plateforme numérique. Elles recommandent également de communiquer avec les institutions dont elles sont partenaires afin de leur fournir des informations exactes et claires à propos de leur établissement. Renforcer les liens entre les institutions serait également bénéfique. Enfin, les autrices suggèrent que les stratégies de communication concernant les transferts devraient également inclure les réseaux sociaux.
Pour en savoir plus :
Schudde, L., Bradley, D., & Absher, C. (2020). Navigating vertical transfer online: Access to and usefulness of transfer information on community college websites. Community College Review, 48(1), 3-30. (https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0091552119874500)
L’étude de la modélisation de l’allocation de la charge de travail universitaire : la problématique et les enjeux associés
Crisp (2022) explore la question de la distribution des tâches académiques au sein des universités, plus particulièrement le rôle de la personne responsable d’effectuer cette distribution. L’autrice utilise le cadre conceptuel de Bacchi, What’s the problem represented to be?, afin de cibler comment les gestionnaires universitaires allouent les tâches au sein de leur unité. Pour ce faire, 48 articles, deux rapports et trois communications présentées lors de conférences sont analysées selon les six questions proposées par le cadre. La majorité de ces articles provient de pays appartenant au Commonwealth, principalement l’Australie et le Royaume-Uni.
Les universités font face à une quantité limitée de ressources, que ce soit le temps de travail, le nombre d’employés ou le nombre d’heures allouées aux contrats. En outre, les charges de travail doivent être considérées comme étant justes et possibles à compléter durant l’année. Ces contraintes rendent nécessaire l’élaboration de modèles servant à optimiser l’allocation des charge de travail. Ces modèles servent notamment à de justifier les coûts de main-d’œuvre liés à leurs activités en fournissant des références communes à l’ensemble des établissements. Toutefois, les contraintes pédagogiques, qui affectent principalement les étudiants, ne sont pas prises en compte. Ceux-ci peuvent donc sortir perdant d’une allocation de travail donnée. De plus, Crisp note que de nombreuses tâches informelles ne sont pas comprises dans le calcul des tâches à accomplir. Notamment, on s’attend plus fréquemment des femmes professeures qu’elles accomplissent des tâches classifiées comme des « tâches ménagères académiques », amplifiant les enjeux d’équité. Enfin, peu d’incitatifs sont mis en place afin de revoir comment les charges de travail sont allouées.
L’autrice conclut en indiquant que la recherche future sur le sujet devrait se concentrer sur ce que peuvent faire les cadres intermédiaires, souvent pris entre l’arbre et l’écorce, qui doivent satisfaire les besoins parfois contradictoires du personnel administratif et du personnel enseignant.
Crisp, B. R. (2022). Academic workloads: what does a manager need to consider?. Journal of Higher Education Policy and Management, 1-16. (https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0091552119874500)
L’édition de mai 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur abordera les sujets suivants :
1. Évaluation comparative du financement des universités : tour d’horizon de l’Europe, du Canada et des États-Unis
2. Étude systématique des impacts du financement à la performance chez les universités américaines
3. Quels sont les impacts des community colleges sur leur environnement économique et social ?
4. Le lien entre les étudiants internationaux et le financement universitaire
5. La future baisse du bassin étudiant universitaire : le cas de la Taiwan
Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici (https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest).
Évaluation comparative du financement des universités : Colombie-Britannique, Danemark, France, Ontario, Norvège, Royaume-Uni et certains États américains
Le Groupe de recherche en économie publique appliquée (GREPA) a publié récemment un rapport effectuant une analyse comparative des modes de financement de huit juridictions, soit la Colombie-Britannique, l’Ontario, les établissements américains de la « Ivy League », la France, la Norvège, le Danemark et le Royaume-Uni. Ces juridictions sont explicitement mentionnées comme objet d’étude à l’appel d’intérêt conjointement élaboré du Ministère de l’Enseignement supérieur et des Fonds de recherche du Québec.
Ce rapport discute du financement des universités à travers deux paradigmes. Le premier consiste à décrire et analyser les modes de financement à la performance identifiés dans les juridictions de l’appel d’intérêt tout en prodiguant des recommandations quant à ces approches. Le second paradigme revêt une dimension normative et cherche plutôt à évaluer si le financement à la performance est quelque chose de désirable. Devrait-on financer les établissements à la performance ? Et, en guise de question de fond, qu’entend-on par « performance universitaire » ?
Le rapport conclue en donnant quelques recommandations, soit de rejoindre le niveau de financement du Danemark ou du Royaume-Uni, de réduire le pourcentage de financement dépendant des inscriptions étudiantes afin d’augmenter le financement inconditionnel, d’agir de façon prudente lors de l’implantation de financement à la performance, de prendre en compte des effets redistributifs lors d’une réforme à la formule de financement, de même que de mettre sur pied une base de données regroupées, systématisées et accessibles aux chercheurs quant au système universitaire québécois.
Le rapport complet est disponible ici. (https://frq.gouv.qc.ca/les-fonds-de-recherche-du-quebec-et-le-ministere-de-…)
Étude systématique des impacts du financement à la performance chez les universités américaines
Ortagus, Kelchen, Rosinger, et Voorhees (2020) ont effectué une synthèse systématique de 52 articles publiés entre 1998 et 2020 portant sur le financement à la performance implanté dans des universités américaines. Leur objectif était de relever les conséquences d’un tel mode de financement, autant celles souhaitées que celles induites involontairement.
Le principe du financement à la performance consiste à faire dépendre une partie ou l’ensemble du financement d’une institution à l’atteinte d’un objectif. En ce qui concerne les universités, l’objectif est d’améliorer l’output institutionnel tel que le nombre de diplômés et la durée moyenne des études, avec parfois des cibles visant l’équité (ex: le nombre de diplômés provenant de familles à faible revenu). Ce type de financement est de plus en plus répandu chez les universités américaines : 41 États ont adopté dans les 20 dernières années un certain degré de financement à la performance alors que seulement neuf n’en ont jamais intégré à leur système de financement.
Les auteurs ont noté que les études analysées montrent que l’effet de ce type de financement sur l’output des universités était en grande partie nul. Même dans les études les plus rigoureuses méthodologiquement (quasi-expérience), les seuls effets positifs, de taille modeste, se retrouvaient dans les politiques à la performance ciblant certains programmes seulement.
Les auteurs relèvent que les administrations publiques se préoccupent principalement de l’atteinte la plus rapide, la plus simple et la moins chère de la cible de performance, au détriment de méthodes qui aideraient véritablement les étudiants. Plusieurs études ont notamment constaté une hausse du nombre de diplômes dans des certifications de courte durée, alors qu’une baisse peut être notée dans les programmes d’associate degrees et de baccalauréats, de plus longue durée.
Les auteurs notent également que ce type de financement semble induire les universités à sélectionner de manière plus sévère leurs étudiants, en vue de prévenir l’abandon de leurs études. Cette manière de faire affecte de façon disproportionnée les étudiants venant de milieux plus défavorisés. Enfin, les auteurs relèvent que les collèges publics sont plus susceptibles d’être affectés négativement par un tel système de financement, étant donné qu’ils acceptent historiquement plus d’étudiants à risque de ne pas compléter leur éducation.
Pour en savoir plus :
Ortagus, J. C., Kelchen, R., Rosinger, K., & Voorhees, N. (2020). Performance-based funding in American higher education: A systematic synthesis of the intended and unintended consequences. Educational Evaluation and Policy Analysis, 42(4), 520-550. (https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.3102/0162373720953128?journalCode=e…)
Quels sont les impacts des community colleges sur leur environnement économique et social ?
Harmon, Bergeron et Johnson (2022) ont effectué une métasynthèse de 20 thèses doctorales publiées entre 2009 et 2020, qui portaient toutes sur le rôle des community colleges américains localisés hors des grands centres dans le développement de leur région respective, de même que leur impact sur le capital humain. Comme les auteurs le soulignent, les community colleges ont depuis leur création l’ambition de démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur.
Les thèmes récurrents relatifs au développement du territoire, non spécifiquement lié à l’économie, soulignaient notamment le lien entre la communauté et le collège. Celui-ci contribue à créer une identité régionale face au territoire, à son histoire et aux spécialisations économiques de la région. Les auteurs notent que plusieurs thèses mettaient de l’avant le fait que les community colleges ont un impact positif général sur leur région. Ceux-ci permettent également d’agir en tant qu’instigateur de changement dans leur communauté.
En ce qui concerne le développement économique du milieu, les community colleges sont en mesure d’agir en tant que leader, particulièrement dans les actions conjointes avec les communautés autochtones locales. Ceux-ci contribuent également à la résilience de leur économie régionale, en étant en mesure d’agir rapidement et localement lorsque nécessaire et en ayant à cœur le développement de leur milieu.
Les thèses doctorales ont également montré que ces colleges joue un rôle dans le développement du capital humain, en appariant l’offre de formation aux besoins locaux. Plusieurs thèses notent que ces institutions agissent comme acteur de liaison entre leurs communautés et les besoins de formations : elles relèvent notamment l’importance des centres spéciaux de développement qui établissent des partenariats avec des entreprises du milieu.
Ce type de partenariats permettent d’approfondir les liens avec la communauté, sous la gouverne d’organisations formelles, mais aussi les relations plus informelles avec des acteurs clés liés à des industries de la région.
Pour en savoir plus :
Harmon, H. L., Bergeron Jr, L. J., & Johnson, J. D. (2022). Engaging Community Colleges in Rural Development: A Meta-Synthesis of Doctoral Dissertations. Community College Review, 00915521221087280. (https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/00915521221087280)
Le lien entre les étudiants internationaux et le financement universitaire
Bound, Braga, Khanna et Turner (2020) ont étudié si la hausse du nombre d’étudiants internationaux acceptés par les universités américaines était liée à la baisse de leur financement provenant de l’État. Les auteurs empruntent une simple régression à moindres carrés ordinaires en prenant en compte les effets fixes spécifiques à l’État américain étudié de même que ceux de la période ciblée. Les auteurs tirent leurs données du Integrated Postsecondary Education Data System (IPEDS) ainsi que des services d’immigration américains.
Suite à leurs analyses, ils ont pu relever qu’une diminution des subventions gouvernementales allouées aux universités publiques spécialisées en recherche était associée à une hausse des admissions d’étudiants internationaux. Les auteurs ont pu évaluer qu’une diminution de 10% des crédits budgétaires était liée à une augmentation de 16% de la proportion des étudiants étrangers dans l’ensemble de la population étudiante de premier cycle. Le même constat ne pouvait pas être observé chez les universités publiques hors de ce champ spécialisé, ni chez les universités privées.
Les auteurs explorent par la suite les détails de l’émission de visa F, qui distingue les étudiants selon leur pays d’origine ainsi que le cycle auquel les étudiants s’inscrivent. Ils notent que la majorité de la relation négative obtenue provient des étudiants chinois : une diminution de 10% des crédits budgétaires est liée à une augmentation de 26% des inscriptions provenant de la Chine. En outre, les étudiants du deuxième cycle, qui paient leur scolarité dans sa totalité, contrairement aux candidats au niveau doctoral, ont une élasticité de -1,4.
Bound et al. notent que l’ajout de deux étudiants internationaux supplémentaires est associé à la perte d’un étudiant local. Les auteurs font toutefois la mention que ce dernier résultat n’est pas à interpréter de manière causale.
Enfin, les auteurs relèvent que les universités de recherche sont plus à même d’être épargnées lors de diminution de subventions gouvernementales, étant donné que leurs sources de revenus sont plus diversifiées, notamment en raison des étudiants internationaux.
Pour en savoir plus :
Bound, J., Braga, B., Khanna, G., & Turner, S. (2020). A Passage to America: University Funding and International Students. American Economic Journal: Economic Policy, 12(1), 97-126. (https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/pol.20170620)
La future baisse du bassin étudiant universitaire : le cas de la Taiwan
Wu, Chang et Hu (2019) ont exploré la question de la diminution prévue des étudiants universitaires en raison d’une baisse dans le nombre de naissances, particulièrement aiguë à Taiwan. Utilisant des données de séries chronologiques disponibles depuis 1966, les auteurs cherchent à prédire l’impact des naissances, de même que l’évolution du nombre de personnes âgées de 18 ans, sur les inscriptions universitaires.
Afin de faire ces prédictions, Wu et al. empruntent un modèle ARIMAX et ARIMA. Les variables utilisées ont été fournies par l’État taiwanais, notamment le ministère de l’Intérieur et le ministère de l’Éducation. Les auteurs ont ainsi recouru au nombre de nouveau-nés annuellement, à la capacité des universités à admettre de nouveaux étudiants, au nombre de gens âgés de 18 ans pouvant décider d’aller à l’université et à l’écart entre ce dernier groupe et le nombre d’étudiants déjà inscrits à l’université. L’étude s’est particulièrement concentrée sur ce dernier écart, de même que la relation entre le nombre potentiel d’étudiants et le véritable nombre d’étudiants inscrits.
Leurs résultats indiquent que d’ici 2027, le nombre d’étudiants inscrits à l’université diminuera de 19,77%, passant de 275 177 à 220 764 en 10 ans. Le nombre de jeunes âgés de 18 ans diminuera également, passant de 269 092 en 2019 à 212 425 en 2027, une diminution de 21,06%. Les auteurs indiquent que les universités risquent de subir une pénurie d’étudiants, ou encore, d’un autre point de vue que les auteurs préfèrent, un surplus en termes de capacité dans les universités. Wu et al. suggèrent donc aux administrateurs de considérer la possibilité de fermer certaines universités jugées « non-efficace ».
Pour en savoir plus :
Wu, S. J., Chang, D. F., & Hu, H. (2019). Detecting the issue of higher education over-expanded under declining enrollment times. Higher Education Policy, 1-24. (https://link.springer.com/article/10.1057/s41307-019-00163-z)
L’édition d’avril 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur abordera les sujets suivants :
1. Comment l’information que reçoivent les étudiants affecte-t-elle leur performance dans le cours ?
2. Les interventions basées sur la pleine conscience : bénéfiques pour la santé mentale des étudiants
3. Connaître le taux d’abandon des études universitaires : pas d’effet dissuasif si les préférences culturelles pour un tel parcours sont fortes
4. Quels facteurs peuvent inciter les étudiants à s’inscrire à plus de cours ?
Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici (https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest).
Comment l’information que reçoivent les étudiants affecte-t-elle leur performance dans le cours ?
L’étude menée par Wright et Arora (2022) cherche combler l’écart entre les résultats que les étudiants espèrent obtenir dans le cadre d’un cours et les résultats qu’ils obtiennent réellement. Pour ce faire, les auteurs ont conduit une expérience de terrain dans un cours de macroéconomie d’une université de grande taille aux États-Unis. Ce cours a été sélectionné spécifiquement, car il est suivi par une large population d’étudiants, est standardisé pour tous les professeurs et possède un des plus hauts taux d’abandon et d’échec au sein de l’université. Les étudiants suivant ce cours sont généralement des étudiants de première année.
L’expérience a été menée auprès de 392 étudiants ayant accepté d’être suivis, ce qui équivaut à un taux de participation de 82%. Les étudiants ont été affectés aléatoirement au groupe traitement ou au groupe contrôle. Tous les étudiants participants ont été par la suite invité, dès la deuxième semaine de classe, à remplir un sondage afin de fournir diverses informations relatives à leur statut socioéconomique et académique. On retrouvait notamment leur performance académique passée, leur habitude d’étude, leurs attentes par rapport à la difficulté du cours, leur attitude face au risque et l’information qu’ils ont obtenue à propos du cours avant le début de la session.
Une fois ces informations recueillies, les étudiants du groupe traitement ont pu voir la distribution des résultats des cours enseignés par leurs professeurs dans le passé. Par la suite, l’ensemble des étudiants ont dû préciser la note qu’ils pensaient obtenir ainsi que le nombre d’heures d’étude qu’ils voulaient consacrer au cours. Les étudiants ont ensuite rempli au milieu de la session un sondage de suivi. La seule différence entre le groupe traitement et le groupe contrôle était donc l’accès à l’historique des résultats du cours.
Leurs résultats, provenant d’un modèle de régression linéaire incluant diverses variables de contrôle, indiquent que l’expérience semble avoir amélioré la probabilité des étudiants de réussir le cours. Alors qu’aucun effet statistiquement significatif n’a été noté sur les notes, la probabilité de réussir augmentait de 10 points de pourcentage dans le groupe traitement, un effet significatif à un niveau de confiance de 99%. Cet effet était plus fort sur les étudiantes, sur les étudiants plus performants et sur ceux provenant de milieux socioéconomiques plus favorisés. De même, les étudiants dont les attentes étaient élevées au début du cours ont particulièrement profité du traitement.
Pour en savoir plus :
Wright, N. A., & Arora, P. (2022). A for effort: Incomplete information and college students’ academic performance. Economics of Education Review, 88 (https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0272775722000152)
Les interventions basées sur la pleine conscience : bénéfiques pour la santé mentale des étudiants
Chiodelli et al. (2022) ont effectué une revue systématique de la littérature récente sur les impacts des interventions basées sur la pleine conscience chez les étudiants universitaires. La pleine conscience est définie comme l’habileté cognitive de pouvoir être dans le moment présent et d’ouvrir l’individu à de nouvelles expériences. Dans le cadre d’une intervention auprès de la population, la peine conscience peut être utilisé pour traiter l’anxiété, la dépression, la dépendance, les troubles alimentaires et la douleur chronique.
La revue systématique a permis de révéler 510 articles reliés aux mots-clés préalablement déterminés, dont 19 répondaient à l’ensemble des critères de la revue et ont constitué l’échantillon analysé. La plupart des articles étudiaient une population américaine (31,57%) et chinoise (15,78%). Les articles ont été publiés entre 2017 et 2018. En tout, 2166 étudiants ont participé à ces études empiriques, la majorité étant des femmes. La grande majorité des études concernait des interventions variant entre 45 et 120 minutes hebdomadairement et dont la durée complète du programme variait entre 3 et 20 semaines. Les principales variables dépendantes explorées par les différentes études étaient principalement la pleine conscience (18%), l’anxiété (17%), le stress (14%), la dépression (8%) et les impacts sur les résultats académiques (7%).
La revue de littérature révèle que, peu importe le nombre d’heures accordées aux interventions, les effets semblent positifs, améliorant donc la santé mentale des étudiants. La revue de littérature ne relève toutefois pas les effets quantitatifs rapportés par les différentes études. Les auteurs mentionnent néanmoins que près du tiers des études ne quantifiaient pas la taille des effets, rapportant seulement le niveau de significativité statistique. Les articles étudiés n’ont également pas observé le taux d’abandon des programmes mis en place.
Pour en savoir plus :
Chiodelli, R., Mello, L. T. N. D., Jesus, S. N. D., Beneton, E. R., Russel, T., & Andretta, I. (2020). Mindfulness-based interventions in undergraduate students: A systematic review. Journal of American College Health, 1-10. (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07448481.2020.1767109)
Connaître le taux d’abandon des études universitaires : pas d’effet dissuasif si les préférences culturelles pour un tel parcours sont fortes
Cattaneo et Wolter (2022) ont étudié l’effet dissuasif de connaître le risque d’abandon d’un programme universitaire sur les préférences des individus quant à leur scolarité. Ils ont utilisé le cas de la Suisse, qui comporte trois groupes linguistiques distincts selon la région : les germanophones en Suisse alémanique, les francophones en Suisse romande et les italophones en Suisse italienne. La population de la Suisse alémanique a comme particularité de préférer fortement un parcours pratique, optant à 80% pour une formation professionnelle à la suite de leur étude secondaire plutôt qu’un parcours académique. Cette proportion diminue plutôt à 50-60% pour la Suisse romande et la Suisse italienne.
À l’aide d’un sondage mené à l’automne 2019 auprès de 6014 Suisses, ils ont développé un cadre expérimental permettant d’évaluer si le fait de connaître le taux d’abandon d’études universitaires affecterait la préférence pour un tel parcours scolaire. Ils ont assigné aléatoirement les participants au sondage à quatre groupes distincts : le premier se faisait simplement demander s’il préférait que leur enfant (hypothétique) aille un parcours académique ou un parcours vocationnel. Les groupes suivants se voyaient également poser cette question, mais avec différentes informations additionnelles : un se faisait communiquer que le taux d’abandon d’un étudiant moyen à l’université était de 50% et l’autre de 80%. Enfin, le dernier groupe recevait des informations à propos des salaires moyens des individus provenant des deux parcours à l’âge de 50 ans, mais aucune sur le taux d’abandon.
Les auteurs évaluent l’effet du taux d’abandon sur la probabilité de préférer un parcours universitaire. Leurs résultats montrent que, dans les régions préférant culturellement un parcours universitaire, le fait de connaître le taux d’abandon n’a pas d’impact sur cette préférence. Cet effet devient significatif Suisse alémanique, accentuant encore plus les préférences pour un parcours vocationnel. Leur probabilité diminue en effet de 15,7 points de pourcentage. Cet effet est significatif à un niveau de confiance de 99%. Le fait de connaître la hauteur du salaire moyen à 50 ans selon les différents types de formation suivie n’avait pas d’impact sur cette propension.
Les auteurs concluent que de faire connaître à la population les taux d’abandon élevés des études universitaires ne semble pas avoir d’impact sur les comportements si la population a déjà une préférence forte pour un tel parcours scolaire.
Pour en savoir plus :
Cattaneo, M. A., & Wolter, S. C. (2022). “Against all odds” Does awareness of the risk of failure matter for educational choices?. Economics of Education Review, 87, 102225. (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0272775722000024?via%3Di…)
Quels facteurs peuvent inciter les étudiants à s’inscrire à plus de cours ?
McKinney et al. (2022) se sont penchés sur le processus de décision que les étudiants empruntent lors de leur choix de cours, plus précisément le nombre de cours suivis. Ils ont voulu examiner ce qui incitait les étudiants à faire des études à temps plein ou à temps partiel. Ils empruntent une approche de la théorie du choix rationnel pour analyser les décisions prises par les étudiants, en considérant que ceux-ci choisissent de maximiser leur bien-être une fois les différentes contraintes prises en compte. Ils font l’hypothèse que, pour certaines catégories d’étudiants, les coûts de s’inscrire à l’université à temps plein (frais de scolarité, frais de transport, salaires perdus, etc.) sont plus élevés que les bénéfices, et ce, suffisamment pour influencer leur comportement.
Pour évaluer leur hypothèse, ils ont mené des entrevues à l’automne 2018 et au printemps 2019 auprès de 16 étudiants et 8 conseillers pédagogiques dans un community college texan. Les auteurs ont retenu les nouveaux étudiants inscrits à au moins 12 crédits, ayant 18 ans et ayant vu une vidéo sur la persévérance académique. 400 étudiants ont ainsi été contactés.
Les auteurs ont noté que les facteurs les plus influents pour les étudiants étaient leur performance académique, les enjeux financiers et leur expérience avec le système d’appui de leur université. Les étudiants sentaient qu’ils devaient trouver un équilibre entre la durée de leur scolarité et le degré de difficulté de chacune de leur session : la flexibilité des cours, autant au niveau du format que du moment de leur offre, était un enjeu particulièrement important. En ce qui concerne les considérations financières, outre les frais de scolarité, les prix des manuels requis pour les cours, la distance à parcourir pour se rendre sur le campus, de même que les obligations familiales sont tous des facteurs que les étudiants considéraient dans le calcul du coût d’ajouter un cours supplémentaire. Les conseillers pédagogiques ont quant à eux indiqué qu’il était important pour les étudiants d’être considéré à temps plein, mais qu’ils les trouvaient peu préparés à cette charge de travail. Par exemple, certains effectuent des retours aux études, pensant pouvoir soutenir le même niveau que lors de leur premier passage à l’université, mais cette fois en ayant des enfants et un emploi à temps plein. Les conseillers ont également noté que de donner des encouragements aux étudiants, en marquant leurs accomplissements et en les orientant sur la prochaine étape de leur parcours.
Pour en savoir plus :
McKinney, L., Burridge, A. B., Lee, M. M., Bourdeau, G. V., & Miller-Waters, M. (2022). Incentivizing Full-Time Enrollment at Community Colleges: What Influences Students’ Decision to Take More Courses?. Community College Review, 50(2), 144-170. (https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/00915521211061416?journalCode=…)
L’édition de mars 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur abordera les sujets suivants :
* Le sommaire des crédits budgétaires 2022-2023 en enseignement supérieur;
* Les impacts à long terme des récessions sur l’éducation et le revenu;
* La perspective des étudiants de première génération sur la finalité de l’enseignement supérieur;
* L’impact des bourses au mérite sur les inscriptions.
Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici (https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest).
Sommaire des crédits budgétaires 2022-2023
Les crédits budgétaires déposés le 22 mars dernier témoignent d’une augmentation importante des fonds consacrés à l’enseignement supérieur. Les crédits alloués aux cégeps, excluant les régimes de retraite, augmentent de 8% (+202,1 M$) par rapport à l’an dernier. Pour les universités, la croissance des fonds, excluant les régimes de retraite, est plus modeste et s’établit à 5% (+201,0 M$). Signalons cependant une provision de 125,6M$ additionnels dont la répartition reste à annoncer.
Les crédits accordés à l’Aide financière aux études augmentent de 5,7% (+53,1 M$) dans l’ensemble, pour une augmentation de 8,3% (+61,0 M$) en bourses et une baisse de 4,0% (-7,8 M$) en frais d’intérêts sur les prêts. Une provision additionnelle de 53,0 M$ reste encore à annoncer entre le programme de prêts et bourses et le programme de « bourses incitatives ». D’autres mesures budgétaires touchant les programmes de prêts et de bourses, quantitativement de deuxième ordre, sont également au budget.
Au ministère de l’Économie et de l’Innovation, signalons une baisse de 2,9% (-30,0 M$) des crédits budgétaires accordés aux trois principaux programmes en soutien à la recherche. La caractéristique la plus remarquable est une baisse de 31,4% (-80,0M$) des crédits des organismes dédiés à la recherche et à l’innovation, une baisse de 26,2% (-88,3 M$) des crédits accordés au programme de Développement de la science de la recherche et de l’innovation, accompagnés d’une hausse de 31,7% (+138,3 M$) des crédits associés au programme d’interventions relatives au Fonds de développement économique. Le budget fait cependant état de la mise en oeuvre de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, une dépense de 280 M$ par an, dont les modalités restent à détailler. D’autres mesures budgétaires en recherche, quantitativement de deuxième ordre, se retrouvent également au budget.
On note également une modification dans la composition des crédits budgétaires accordés aux directions administratives du ministère de l’Enseignement supérieur. La direction de la « Performance, du financement, des interventions régionales et [de] soutien à la gestion » voit ses crédits augmenter de 31,0% (+12,1 M$) alors que la direction de « Développement et [de] soutien des réseaux » diminue de 6,71% (-18,0 M$). La direction de « l’Accessibilité financière aux études, [aux] infrastructures et [aux] ressources informationnelles » perd quant à elle 11,7% (-3,0 M$) en crédits.
Ce tour d’horizon ne couvre pas l’ensemble du budget. D’autres mesures budgétaires touchant le réseau de l’enseignement supérieur pourraient se retrouver dans des crédits spécifiques à d’autres ministères, ou encore dans des crédits dont la finalité demeure à dévoiler. Rappelons finalement que ces crédits sont tributaires de leur continuité après l’élection présumée en octobre. En vertu du dernier sondage Léger, la Coalition Avenir Québec récolterait 41% des intentions de vote, suivi de 18% pour le Parti Libéral du Québec, de 14% des intentions de vote pour Québec solidaire (et la balance aux autres partis).
Pour en savoir davantage:
Gouvernement du Québec (2022). Budget 2022-2023, Votre gouvernement, Plan budgétaire, ISBN 978-2-550-91384-9, récupéré en ligne à partir de http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2022-2023/documents/Budget2223… (http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2022-2023/documents/Budget2223…)
Gouvernement du Québec (2022). Budget de dépenses 2022-2023 (vol. 3), Crédits et dépenses des portefeuilles (2022-2023), ISBN 978-2-550-91410-5, récupéré en ligne à partir de https://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/budget_depenses/22-23/3-Credits… (https://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/budget_depenses/22-23/3-Credits…)
Léger (2022). Rapport: La politique au Québec, récupéré en ligne à partir de https://2g2ckk18vixp3neolz4b6605-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads… (https://2g2ckk18vixp3neolz4b6605-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads…)
Impact à long terme des récessions sur l’éducation et le revenu
S’intéressant à la récession de 1980-1982, Stuart (2022) estime ses effets à long terme sur les niveaux d’éducation et de revenu de 23 millions d’Américains nés entre 1950 et 1979. L’auteur a eu accès aux données du recensement de l’an 2000, de même qu’à la base de données de l’American Community Surveys de 2001 à 2013.
Tous les comtés étudiés n’ont pas été affectés par la récession avec la même intensité. L’auteur utilise donc une différence-en-différence pour comparer les comtés fortement affectés par la récession avec ceux qui l’ont vécue de manière plus douce. Il compare également la population jeune au début de la récession à la population plus âgée lors de la même période. Il cherche notamment à évaluer l’impact de la récession sur un indicateur de l’atteinte d’un baccalauréat ainsi que sur les revenus à long terme des individus. Afin d’isoler le rôle de la récession dans les changements économiques au sein des comtés, Stuart construit également une variable instrumentale qui prédit le changement du log de l’emploi au sein dudit comté lors de la même période de la crise en utilisant la structure économique de celui-ci en 1976.
L’effet à long terme de la récession de 1980-1982 sur le niveau de l’éducation a été important pour les individus qui avaient entre 0 et 13 ans en 1979, c’est-à-dire avant la récession. Chez ces personnes, une diminution de 10% du revenu par habitant entre 1978 et 1982 est liée à une réduction de 3% de la diplomation universitaire. Une réduction de même envergure du revenu par habitant ne semble pas avoir eu d’impact sur l’obtention d’un diplôme de niveau secondaire.
Pour ce qui est des revenus, Stuart constate que, pour les individus âgés entre 0 et 10 ans en 1979, une diminution de 10% du revenu par habitant entre 1978 et 1982 est lié à une réduction de leur revenu personnel de 2,2%, une baisse de 3,2% de leur revenu gagné et une augmentation de 13,9% de leur chance de vivre sous le seuil de la pauvreté.
Pour en savoir davantage:
Stuart, B. A. (2022). The long-run effects of recessions on education and income. American Economic Journal: Applied Economics, 14(1), 42-74. (https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/app.20180055)
Que pensent les étudiants universitaires de première génération de la finalité de l’enseignement supérieur ?
Cuellar, Bencomo Garcia et Saichaie (2022) ont exploré la question de la raison d’être de l’enseignement supérieur. Les auteurs utilisent les données provenant d’entrevues semi-dirigées menées auprès d’étudiants de l’Université de Californie au printemps 2017 et à l’hiver 2018. Principalement d’origine latine, les 21 participants ont été recrutés dans le cadre d’un cours portant sur l’enseignement supérieur. La majorité d’entre eux était inscrite à une mineure en éducation et 11 étudiants s’identifiaient comme des étudiants de première génération.
Trois principaux thèmes sont ressortis de l’analyse de ces entrevues. Premièrement, la grande majorité des étudiants considère l’enseignement supérieur comme essentiel à la réussite personnelle. Les étudiants de première génération se distinguaient des étudiants dits continus par leur désir de changer de classe sociale :
« […] if you don’t go to college after high school, there’s not pretty much nothing for you to do other than working and staying in a low income job or living in a low income area » (Cuellar et al., 2022, p.283).
Pour les étudiants dont les parents avaient déjà fréquenté l’université, une inscription à un programme d’éducation supérieure est perçue comme plus naturelle et comme la prochaine étape dans leur parcours scolaire. Quelques étudiants ont également noté que leur perception des buts de l’enseignement supérieur a changé au fil de leur cheminement, réalisant que les bénéfices instrumentaux n’étaient pas nécessairement l’ultime objectif de la formation universitaire. Cette constatation ne différait pas selon les deux types d’étudiants. Enfin, plusieurs étudiants ont exprimé des opinions complexes et articulé des objectifs de l’enseignement supérieur, au-delà des bénéfices instrumentaux. Ces conclusions sont toutefois à interpréter avec attention, étant donné le biais de sélection dont l’étude souffre. Des étudiants dont la mineure est en éducation ne sont possiblement pas représentatifs de l’ensemble des étudiants universitaires.
Pour en savoir davantage:
Cuellar, M. G., Bencomo Garcia, A., & Saichaie, K. (2021). Reaffirming the Public Purposes of Higher Education: First-Generation and Continuing Generation Students’ Perspectives. The Journal of Higher Education, 1-24. (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00221546.2021.1979849)
Quel est l’impact de bourses au mérite accordées après les admissions sur les décisions d’inscription ?
Les universités offrent parfois des bourses aux étudiants talentueux déjà acceptés dans leur programme afin de les attirer sur leur campus. Firoozy (2022) s’attarde à l’efficacité de ce type de bourses sur les inscriptions. Pour ce faire, l’auteur profite de l’assignation aléatoire d’une telle bourse offerte en 2015 dans le cadre d’un programme par une université publique californienne. Ce programme offrait la bourse de manière aléatoire à 750 étudiants parmi un bassin de 1500 étudiants méritants. L’objectif de l’université était d’améliorer le taux d’inscription des étudiants performants, le taux de diplomation de l’ensemble des étudiants et profiter d’un possible effet de pairs, qui pourraient encourager d’autres étudiants à s’inscrire à cette université en raison de la bourse.
Afin d’évaluer l’efficacité de cette bourse, Firoozi utilise un modèle de probabilité linéaire. Les résultats de la régression présentent un lien de cause à effet en raison de l’assignation aléatoire au groupe traitement. Les résultats sont donc crédibles.
Deux pourcents (2%) des étudiants ciblés se sont inscrits à l’université en question. Cet effet a été particulièrement fort pour les étudiants classés par l’université comme désavantagés, soit les étudiants de première génération avec un bas statut socioéconomique. Les auteurs ont également noté que sept pourcents (7%) des étudiants ont été plutôt incités à éviter toute autre université publique en Californie. Cet effet de substitution semble provenir du pouvoir de négociation de l’étudiant. L’auteur observe en effet des tentatives d’étudiants d’obtenir une meilleure contre-offre d’universités dont les capacités leur permettent d’être plus compétitives. Castleman et Terry Long (2016) ont également identifié que les bourses sur concours engendraient des effets de substitution entre établissements.
Firoozi (2022) recommande de réduire les offres de bourses aux étudiants désavantagés, par exemple en ajoutant un critère de revenu familial maximal, et de conserver ainsi une même efficacité.
Pour en savoir davantage:
Castleman, B. L., & Long, B. T. (2016). Looking beyond enrollment: The causal effect of need-based grants on college access, persistence, and graduation. Journal of Labor Economics, 34(4), 1023-1073. (https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/686643?journalCode=jole#:….)
Firoozi, D. (2022). The impact of post-admission merit scholarships on enrollment decisions and degree attainment: Evidence from randomization. Economics of Education Review, 86, 102221. (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0272775721001321)
Nous abordons les thèmes ci-dessous dans la deuxième édition 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur :
* Démystifier la formule de financement des universités québécoises
* Est-ce que les universités doivent être responsables de l’employabilité de leurs diplômés ?
* L’impact de cours en ligne sur la réussite des étudiants : effets sur les résultats scolaires et la durée des études
* Dons faits aux universités : quels sont les portraits types de donateurs universitaires ?
Bonne lecture ! Nous vous rappelons que vous pouvez également accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici (https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest).
Démystifier la formule de financement des universités québécoises
Les assises économiques justifiant les subventions publiques dans l’enseignement supérieur sont connues. L’apport des systèmes universitaires, par leurs diplômés et leur production scientifique, aura mené le progrès social et économique des dernières décennies. Dès lors, une question centrale associée à leur financement public consiste à déterminer comment transmettre les subventions aux établissements universitaires. C’est ce qu’on appelle communément une « formule de financement ».
Cet ouvrage vise à démystifier cette formule de financement. Au Québec, plus de 70 % du financement public s’appuie sur les inscriptions étudiantes. Ce livre explore donc les effets des modifications possibles à la structure de la formule de financement pour évaluer les effets redistributifs induits, mais aussi comment les établissements pourraient changer leurs comportements d’inscriptions. Le livre s’interroge aussi sur les réformes qui seraient susceptibles d’être endossées par différents établissements en fonction de leurs intérêts, de l’évolution historique des autres composantes du financement universitaire, et il développe des perspectives prévisionnelles de financement.
Pour en savoir plus :
Bouchard St-Amant, P-A., Vallée, L., Raymond-Brousseau, L., B., & Allali, M. (2022). Démystifier la formule de financement des universités: compréhension des effets et des intérêts pour les institutions en enseignement supérieur. Presses de l'Université du Québec. 284 pages (https://www.puq.ca/catalogue/livres/demystifier-formule-financement-des-uni…)
Est-ce que les universités doivent être responsables de l’employabilité de leurs diplômés ?
Hartmann et Komljenovic (2021), dans une étude se concentrant sur les universités européennes, explorent la notion d’employabilité des étudiants dans le contexte de l’enseignement supérieur. Empruntant une perspective foucaldienne, les auteures étudient l’évolution de ce concept en fonction de son institutionnalisation au sein des établissements d’enseignement supérieur. Elles font l'hypothèse que des facteurs institutionnels, le taux de chômage national des jeunes adultes, la hauteur des frais de scolarité et les différents types de systèmes économiques capitalistes influencent le degré de responsabilité que les universités acceptent d’endosser quant au développement de l’employabilité de leurs étudiants.
À la suite de l’analyse d’un sondage diffusé en 2018 auprès d’associations européennes d’université et de bases de données EURYDICE et EUROSTAT, dont l’année de référence variait entre 2015 et 2018, les auteurs ont tout d’abord jeté un regard descriptif afin de mieux comprendre le dispositif d’employabilité. Elles ont ensuite exploré les différences entre les pays en utilisant de simples analyses de corrélations statistiques. Le sondage a permis de rejoindre 84 intervenants, principalement des membres de l’administration des établissements contactés, provenant de 26 pays européens, avec un taux de réponse de 11%. Le questionnaire comprenait cinq sections, touchants différents aspects de la perspective de l’établissement en matière d’employabilité, soit les stratégies institutionnelles, les activités et mesures visant à soutenir l'employabilité, les structures institutionnelles soutenant l'employabilité, la pratique des médias sociaux concernant l'employabilité et des données démographiques institutionnelles.
Leurs résultats indiquent que les facteurs institutionnels et le taux de chômage national des jeunes adultes n’influencent pas la culture de l’employabilité des universités. La hauteur des frais de scolarité était liée positivement avec l’importance de l’employabilité au sein des institutions. Enfin, les différents types d’économies capitalistes de pays européens, classifiés selon la méthodologie de Witt et al. (2018) et de Soskice et Hall (2001), avaient un fort pouvoir explicatif : les universités appartenant à un pays ayant une économie de marché coordonnée et les pays d’Europe de l’Est étaient moins sujettes à inclure l’employabilité dans leurs stratégies institutionnelles principales. Les universités localisées dans des pays adoptant un marché de marché libéral étaient les plus susceptibles d’admettre une plus grande importance à l’employabilité au sein de leur institution. Autre résultat intéressant, l’ensemble des pays, à l’exception des pays d’Europe de l’Est, accordait une très grande importance aux réseaux sociaux reliés à l’employabilité, tels que LinkedIn.
Pour en savoir plus :
Hartmann, E., & Komljenovic, J. (2021). The employability dispositif, or the re-articulation of the relationship between universities and their environment. Journal of Education Policy, 36(5), 708-733. (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02680939.2020.1725983)
L’impact de cours en ligne sur la réussite des étudiants : effets sur les résultats scolaires et la durée des études
Fischer et al. (2021) étudient l’impact des cours en ligne sur la réussite des étudiants. Pour ce faire, ils utilisent les données de trois cohortes de diplômés du système d’enseignement supérieur public californien, réparties au sein de 13 campus où les professeurs prenaient généralement l’initiative d’offrir des cours en ligne entre 2009 et 2017. Ils examinent plus particulièrement si ces cours ont affecté la durée des études de ces étudiants. Ils font l'hypothèse que les cours en ligne offrent généralement une plus grande flexibilité, qui pourrait favoriser la réussite d’un plus grand nombre de cours, accélérant ainsi l’obtention du diplôme. Cette flexibilité est toutefois acquise au détriment de la présence en classe ce qui implique un accompagnement institutionnel plus faible.
Les campus offraient 18 cours en ligne en 2009. Ce nombre a augmenté jusqu’à 109 en 2017. Ces cours étaient majoritairement durant la session d’été, de façon asynchrone et uniquement en ligne. Les auteurs se concentrent sur les cours essentiels pour l’obtention du diplôme. 8% des étudiants s’étaient inscrits à au moins un cours en ligne durant cette période et ceux-ci représentaient 3% de l’offre totale de cours en moyenne. La majorité des cours (63%) était également des cours à suivre durant la première année du programme.
Les auteurs utilisent un modèle de régression linéaire à variables instrumentales, où ils tentent d’évaluer la relation entre l’inscription à des cours en ligne et les résultats de l’étudiant, l’instrument étant l’offre de cours en ligne. Leurs résultats indiquent que l’inscription à des cours en ligne hausse la probabilité que l’étudiant termine sa scolarité dans les délais prescrits, soit quatre ans. Les auteurs indiquent toutefois que les coefficients calculés sont à interpréter de façon prudente. Les auteurs encouragent plus d’études dans ce champ de recherche, considérant que l’offre de cours en ligne a augmenté de manière importante au cours des deux dernières années.
Pour en savoir plus :
Fischer, C., Baker, R., Li, Q., Orona, G. A., & Warschauer, M. (2021). Increasing success in higher education: The relationships of online course taking with college completion and time-to-degree. Educational Evaluation and Policy Analysis, 01623737211055768. (https://journals.sagepub.com/doi/full/10.3102/01623737211055768)
Dons faits aux universités : quels sont les portraits types de donateurs universitaires ?
McNamee et Drezner (2021) explorent les différents types de donateurs d’une université privée aux États-Unis. Utilisant les données de 3 404 diplômés de cette université ayant fait un don à celle-ci entre 2001 et 2012, les auteurs analysent le profil de ces donateurs. Les caractéristiques étudiées incluent l’ethnie des donateurs, leur genre, l’estimation de leur richesse personnelle (estimée à l’externe par une compagnie privée engagée par l’université) et le nombre et le type d’activités universitaires auxquelles les diplômés ont participé lors de leur passage à cet établissement, en plus d’informations sur leur programme et les cours suivis.
Les auteurs, par l’entremise d’un modèle de hasard à temps discret (discrete-time hazard model), concluent que, contrairement à la littérature passée, le fait d’être actif dans les activités étudiantes (impliqués dans la greek life, soit les fraternités sur les campus universitaires américains) était lié à une diminution de la probabilité de faire un don peu après la diplomation. Les auteurs suggèrent que ce phénomène est restreint à l’institution étudiée. Parmi les autres résultats notables, on relève notamment que les personnes noires ou métisses sont plus susceptibles de faire un don rapidement.
Pour en savoir plus :
McNamee, C. D., & Drezner, N. D. (2021). Breaking Stereotypes About Alumni Donors: Who Gives First? A Discrete-Time Hazard Model. The Journal of Higher Education, 1-28. (https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00221546.2021.1964918?tab=perm…)
Nous abordons les thèmes ci-dessous dans la première édition 2022 de la veille de recherche en enseignement supérieur :
· Intervenir auprès des étudiants en difficulté : l’impact d’agir tôt;
· L’expérience des étudiants internationaux dans les cégeps du Saguenay-Lac-Saint-Jean;
· Abandon scolaire : la valeur des études universitaires non complétées sur le marché du travail;
· L’impact de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des étudiants universitaires LBGTQ+;
· Être mère tout en étant professeure : les défis rencontrés par ces femmes dans deux universités canadiennes;
Nous vous rappelons que vous pouvez accéder aux précédentes éditions de la veille en cliquant ici (https://listes.grepa.ca/archives/list/veille@listes.grepa.ca/latest).
Au nom de toute l’équipe du Groupe de recherche en économie appliquée, bonne année 2022 !
Intervenir tôt chez les étudiants susceptibles de ne pas réussir le cours pourrait améliorer leurs résultats scolaires
La réussite des étudiants fait partie des priorités d’une université. Les services d’aide à la réussite viennent offrir un soutien aux étudiants qui le demandent. Est-ce qu’une intervention dès le début de la session chez les étudiants en difficulté favorise leur réussite ? C’est ce que Gordanier, Hauk et Sankaran (2019) ont investigué. Ils évaluent si une intervention précoce chez les étudiants évalués en difficulté améliorerait leurs résultats scolaires finaux.
Les auteurs ont utilisé des données provenant de classes d’introduction à la microéconomie et à la macroéconomie de l’Université de Caroline du Sud lors de la session de printemps 2017. Les étudiants de ces classes se voyaient assigner plusieurs évaluations hebdomadaires durant les quatre premières semaines de la session, afin d’évaluer leur réussite dans la classe. À la cinquième semaine, les étudiants qui obtenaient une moyenne en dessous de 70% [note finale nécessaire pour réussir le cours] étaient référés au service d’aide à la réussite de leur université. Le centre de services contactait par la suite directement les étudiants pour les inviter à prendre un rendez-vous avec un de leurs conseillers. Si l’étudiant acceptait, la rencontre permettait notamment d’avoir accès à des stratégies de gestion de temps et de techniques d’études et à des services de tutorat. Comme ces services étaient déjà accessibles en tout temps par les étudiants, le traitement expérimental de l’étude évalue la connexion entre les appels rapides du centre de services et la réussite des étudiants en difficulté.
Les auteurs utilisent un modèle de régression par design de discontinuité, comparant les résultats finaux des étudiants juste en dessous du seuil de 70% (ayant reçu un appel) avec ceux dont la moyenne était tout juste au-dessus (sans appel). Les auteurs rapportent que les résultats aux questions communes de l’examen final des étudiants du groupe ayant reçu des appels étaient de 6,5% à 7,5% plus élevés que ceux du groupe n’ayant pas profité de l’intervention. Les étudiants dont les résultats en mathématiques du niveau secondaire étaient sous la moyenne sont parmi ceux qui ont le plus bénéficié de l’intervention, augmentant leurs résultats de 17,4% comparativement à 2,1% pour ceux au-dessus de la moyenne. Par l’approche expérimentale employée, l’étude ne permet cependant pas de généraliser l’efficacité de l’intervention aux étudiants ayant les résultats les plus faibles.
Pour en savoir plus :
Gordanier, J., Hauk, W., & Sankaran, C. (2019). Early intervention in college classes and improved student outcomes. Economics of Education Review, 72, 23-29. (https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272775718305272)
L’intégration des étudiants internationaux au Saguenay-Lac-Saint-Jean : la perception des étudiants
Bikie Bi Nguema, Gallais, Gaudreault, Arbour et Murray (2020) ont effectué 21 entrevues semi-dirigées auprès d’étudiants internationaux inscrits à l’un des quatre cégeps du Saguenay-Lac-Saint-Jean. L’objectif de leur recherche est d’identifier les défis auxquels les étudiants faisaient face quant à leur intégration dans une région à faible densité ethnoculturelle.
Les auteurs notent que les étudiants associent leur réussite scolaire à leur réussite professionnelle et sociale, de même qu’à leur niveau d’intégration à la culture québécoise. Parmi les obstacles à leur intégration, les étudiants interrogés ont souligné la barrière de la langue (bien que la majorité parle déjà le français), les chocs culturels, les défis pédagogiques et la formation d’amitié avec des étudiants natifs du Québec. La relation avec les professeurs et les pairs est également abordée : les étudiants apprécient généralement leurs relations avec leurs professeurs, souvent moins hiérarchiques que dans leur pays d’origine. Afin de mieux intégrer les étudiants à la communauté étudiante et civile, les auteurs recommandent notamment de sensibiliser le personnel et les étudiants à la réalité des étudiants internationaux et de favoriser la collaboration entre les services offerts au cégep et la communauté civile.
Pour en savoir plus :
Bikie Bi Nguema, N., Gallais, B., Gaudreault, M., Arbour, N., & Murray, N. (2020). Intégration et réussite scolaire des étudiants internationaux dans une région à faible densité ethnoculturelle. Le cas des cégeps du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Revue des sciences de l’éducation, 46(2), 39-68. (https://www.erudit.org/fr/revues/rse/2020-v46-n2-rse05688/1073718ar/)
Des études universitaires non complétées ont-elles une valeur sur le marché du travail ?
Giani, Attewell et Walling (2020) évaluent si des études non complétées constituent un signal assez fort pour avantager les étudiants sur le marché du travail. Leurs données proviennent du Texas Education Research Center (TERC) qui combine des bases de données sur le statut des étudiants de la maternelle à l’université et sur leur statut d’emploi après leurs études.
Les auteurs ont suivi la cohorte texane de diplômés du secondaire de l’an 2000 afin de savoir si ceux qui arrêtaient leurs études avaient les mêmes chances sur le marché du travail que ceux qui entamaient des études universitaires sans les terminer. Ils ont comparé les chances d’être employés, ainsi que les revenus, quinze ans après leur graduation.
Suivant plus de 200 000 individus, leur recherche emprunte un modèle de régression logistique pour prédire si l’individu était employé ou non après quinze ans et un modèle de régression à moindres carrés ordinaires afin de prédire le logarithme des revenus en 2015.
Leurs résultats montrent que la probabilité d’avoir un emploi quinze ans plus tard est plus grande chez ceux qui ont un minimum de scolarité universitaire que chez ceux possédant uniquement un diplôme du secondaire. L’écart d’emploi entre ceux n’ayant fait aucune étude universitaire et ceux ayant fait des études supérieures sans diplôme est d’au moins 15 points de pourcentages (p<0.01). Cette différence se retrouve dans tous les sous-groupes de l’échantillon (genre, appartenance à une minorité visible, ou le statut défavorisé).
Leurs résultats concernant le (logarithme du) revenu soutiennent une conclusion similaire. Sélectionnant cette fois uniquement ceux ayant un revenu en 2015, les auteurs mesurent l’effet de la fréquentation universitaire sur le niveau de revenu. Les individus avec une expérience universitaire ont un revenu plus élevé (entre 2,6% et 11,4%) que ceux ayant seulement un diplôme secondaire (p<0.01). La différence est aussi observée dans la plupart des sous-groupes, à l’exception des minorités ethniques. Elle est plus prononcée chez les femmes.
Pour en savoir plus :
Giani, M. S., Attewell, P., & Walling, D. (2020). The value of an incomplete degree: Heterogeneity in the labor market benefits of college non-completion. The Journal of Higher Education, 91(4), 514-539. (https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00221546.2019.1653122)
Est-ce que la santé mentale des étudiants universitaires appartenant à la communauté LGBTQ+ a été mise à mal par la pandémie de COVID-19 ?
Parchem, Wheelet, Talaski et Molock (2021) ont voulu vérifier si la première vague de cas de COVID-19 a eu un impact sur la santé mentale des étudiants, plus particulièrement chez ceux et celles s’identifiant comme LBGTQ+. À l’aide de données provenant du sondage annuel Healthy Mind Study, mené aux printemps 2019 et 2020 et qui mesure l’état de la santé mentale des étudiants, les auteurs ont pu évaluer comment celle-ci a été affectée par la pandémie.
Le sondage utilisé se sert du Generalized Anxiety Disorder-7 (GAD-7) et du Patient Health Questionnaire-9 (PHQ-9) pour évaluer le niveau des symptômes ressentis d’anxiété et de dépression. Lors de l’édition 2020, des questions ont été ajoutées afin de connaître la situation financière de l’étudiant, leurs inquiétudes par rapport à la pandémie et leur expérience face à la discrimination due à leur ethnie, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. On a également pu évaluer la résilience de l’étudiant en posant des questions sur son optimisme, son estime de soi, sa perspective sur la vie en général, etc.
Afin d’évaluer si la santé mentale des étudiants fut affectée par la première vague de la pandémie, les auteurs ont comparé les taux moyens d’anxiété et de dépression de l’année 2020 avec ceux de l’année 2019, afin d’établir s’il y avait une différence statistiquement significative. Aucune différence n’est relevée et la moyenne de taux d’anxiété était même moins élevée. Les auteurs évoquent que la pandémie, surtout à son commencement au printemps 2020, a probablement accentué les mesures d’accommodations des professeurs envers tous les étudiants, dont ceux appartenant à la communauté LGBTQ+. Les auteurs amènent également que les mesures de confinement ont probablement réduit les possibilités d’entrer en relation avec des gens moins tolérants des communautés LGBTQ+.
Parchem, Wheelet, Talaski et Molock terminent en énonçant que, bien que les taux moyens d’anxiété et de dépression n’aient pas changé de manière importante, ils restent à un niveau assez élevé (48% de taux moyens d’anxiété et 61% de taux moyens de dépression en 2020).
Pour en savoir plus :
Parchem, B., Wheeler, A., Talaski, A., & Molock, S. D. (2021). Comparison of anxiety and depression rates among LGBTQ college students before and during the COVID-19 pandemic. Journal of American college health, 1-9. (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34919495/)
Être mère tout en étant professeure universitaire : les défis rencontrés par ces femmes dans leur carrière
James, Bourgeault, Gaudet et Bujkai (2021) ont voulu comprendre comment les professeures vivaient l’expérience d’être mère tout en étant chercheuse. Interviewant 20 femmes dans deux universités canadiennes, les auteurs ont fait ressortir les points principaux dans ces entrevues.
Les professeures questionnées étaient reconnaissantes d’avoir eu accès à un congé de maternité, mais la majorité des femmes rencontrées ont également exprimé leur peur de l’« effacement post-partum », caractérisé par la possibilité d’être exclus d’opportunités de recherche ou de subventions, de retard dans des projets de recherche ou la perte de collaboration potentielle. Cette peur en a convaincues plusieurs de se présenter physiquement au bureau (en période pré-pandémique) afin d’éviter de se faire mettre à l’écart durant leur congé de maternité, à des périodes clés du développement de leur enfant.
Plus tard dans leur carrière, plusieurs ont éprouvé des difficultés à expliquer leur absence durant leur congé de maternité lors de leur évaluation de leur dossier de permanence, devant constamment se justifier devant leur comité. Ce genre d’évènements fait partie de ce que les auteurs appellent la « mommy-track », chemin de carrière parallèle à la « tenure-track ». En effet, avoir un enfant peut signifier un sacrifice quant à sa capacité à l’obtention de promotions et d’accès à des postes permanents. Les contributions dans les services communautaires exigés de l’ensemble des professeurs sont également vues comme moins prestigieuses et ont moins d’impact dans le dossier du chercheur en question. Les femmes questionnées ont souligné qu’elles se sentaient souvent obligées d’accomplir ces tâches au détriment de l’avancement de leur carrière.
Enfin, le dernier thème soulevé reflète comment certains champs de recherches n’ont pas été développés en prenant en compte la conciliation travail-famille. On évoque par exemple la recherche « terrain » qui devient plus difficile à accomplir lorsqu’un enfant attend à la maison.
Les auteurs concluent en énonçant que les conceptions de la réussite professionnelle restent fortement fondées sur des bases traditionnelles où les femmes ont de la difficulté à faire leur place en étant mère.
Pour en savoir plus :
James, Y., Gaudet, S., Bourgeault, I., & Bujkai, M. (2021). Care and Academic Motherhood: Challenges for Research and Tenure in the Canadian University. Canadian Journal of Higher Education, 51(4). (https://journals.sfu.ca/cjhe/index.php/cjhe/article/view/189061)
Bonjour à tous,
Seront abordés dans cette veille les sujets suivants :
* L’histoire de la liberté universitaire au Canada
* L'efficacité de la messagerie-texte pour rejoindre les futurs étudiants
* L’écart salariale entre les récents diplômés et diplômées universitaires
* Les biais possibles envers les étudiants en situation de handicap
* L’influence d’une crise économique sur le choix du domaine d’étude
Bonne lecture!
Pour l’équipe de la veille de recherche,
Pier-André Bouchard St-Amant
Historique canadien de la liberté universitaire
Les frontières de la liberté universitaire font l’objet de débats publics récurrents. Les travaux de Paul Axelrod (2021) documentent l’histoire de la liberté académique au sein des universités canadiennes et de l’évolution de sa frontière à travers le temps.
Axelrod définit la liberté universitaire comme une autonomie professionnelle, distincte de la liberté de parole, qui est un droit citoyen. Il note que cette liberté a toujours été soumise à des contraintes, qu’elles soient religieuses, raciales, administratives ou financières. Au Canada, celle-ci n’a pas de statut officiel, alors qu’aux États-Unis par exemple, elle a été protégée à maintes reprises dans des interprétations judiciaires du premier amendement de la Constitution américaine.
Axelrod évoque que les menaces actuelles à la liberté universitaire proviennent des deux côtés de l’axe gauche-droit de l’échiquier politique : on note la « culture de l’annulation » (cancel culture) ainsi que la volonté de tout permettre, même les discours haineux. Axelrod note que les gouvernements, autant au niveau fédéral que provincial, n’ont pas tendance à s’ingérer dans la production universitaire. Au Canada, la liberté universitaire dépend généralement des universités elles-mêmes, au niveau institutionnel à travers des politiques internes.
Axelrod termine sur les enjeux actuels dont la société devrait se préoccuper : l’importance du financement privé en recherche, qui peut inclure des contraintes par rapport à ce qui peut être publié, particulièrement dans le domaine de la santé, ainsi que le droit des professeurs de s’exprimer, dans des circuits publics tels que les médias sociaux, sur des sujets hors de leur domaine d’expertise.
Pour en savoir plus :
Axelrod, P. (2021). Academic Freedom and Its Constraints: A Complex History. Canadian Journal of Higher Education, 51-66. (https://journals.sfu.ca/cjhe/index.php/cjhe/article/view/189143)
La messagerie-texte : une stratégie efficace de rétention d’étudiants universitaires
Les étudiants à l’aube de s’inscrire à l’université peuvent parfois être perdu dans le processus, particulièrement pour les programmes contingentés qui exigent parfois, en plus d’une bonne moyenne, des entrevues ou la réussite d’examens particuliers. Avery, Castleman, Hurwitz, Long et Page (2021) ont voulu, à travers une expérience à assignation aléatoire, vérifier ce qui pourrait aider les étudiants dans ce parcours, notamment la messagerie-texte, associée soit avec un conseiller virtuel soit avec le conseiller pédagogique de l’école de l’étudiant.
Deux expériences ont été mises sur pied : une étude nationale couvrant plus de 70 000 étudiants au niveau secondaire répartis dans 15 états américains et une autre étude ciblant 20 000 étudiants au Texas. Alors que le groupe test de l’expérience nationale avait accès à un conseiller disponible en ligne, le groupe test de l’expérience au Texas avait plutôt un accès direct, à travers la messagerie-texte, à leur conseiller pédagogique. Les interventions des deux types de conseillers combinaient des messages textes informatifs à des moments clés de l’inscription à l’université et, pour les groupes tests, des messages textes incitant les étudiants à interagir avec le conseiller.
L’article, qui a étudié la cohorte de 2016-2017, a notamment découvert que l’impact des messages textes sur l’inscription à l’université à temps plein était significatif lorsqu’elle était combinée à de l’aide déjà implantée à l’école, augmentant de 2,9 points de pourcentage le taux d’inscription par rapport à la moyenne du groupe contrôle. Le conseiller virtuel, bien qu’il ait augmenté les taux de passation d’examen pour fin d’admission à l’université (e.g. SAT et ACT), a eu un effet statistiquement significatif négatif sur les taux d’admission à temps plein, le réduisant de 1,3 points de pourcentage.
Les auteurs expliquent cette disparité par des conflits avec des services qu’obtenaient déjà les étudiants. L’expérience du Texas permettait aux étudiants d’accéder rapidement à des services personnalisés, en offrant par exemple des rendez-vous en présence avec leur conseiller. Les auteurs recommandent donc, si un lien par messagerie-texte est offert aux étudiants, de le combiner à des services déjà présents dans les écoles et de personnaliser le plus possible les messages envoyés.
Pour en savoir plus :
Avery, C., Castleman, B. L., Hurwitz, M., Long, B. T., & Page, L. C. (2021). Digital messaging to improve college enrollment and success. Economics of Education Review, 84, 102170. (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0272775721000881)
Disparités entre les récents diplômés et diplômées canadiens : y a-t-il un écart important entre les genres ?
Jehn, Walters et Howells (2021), à partir de l’Enquête nationale auprès des diplômées (END) de Statistique Canada en 2013, ont voulu vérifier s’il y avait un écart entre les hommes et les femmes récemment diplômés, plus particulièrement dans leur statut d’emploi et leur revenu. Malgré le fait que leur stratégie d’identification de lien de cause à effet ne soit pas particulièrement robuste, leur étude est intéressante étant donné qu’elle nous éclaire sur les différences entre les domaines d’études des diplômés et qu’elle utilise des données canadiennes. Comme leur modèle est simple, il est également possible de recréer facilement l’étude selon les cycles de production de l’END.
Leurs résultats indiquent que les écarts de revenus sont les plus importants dans les domaines ayant tendance à offrir des revenus plus élevés, comme l’ingénierie. Dans ce secteur en particulier, les hommes gagneraient en moyenne 60 000 $ trois ans après leur diplomation alors que les diplômées dans la même situation obtiendraient 50 500$. Les auteurs n’ont pas trouvé de différence de revenu statistiquement significative dans les domaines des sciences sociales, de l’éducation et de la santé.
Jehn et al. ont également noté que les revenus des doctorants et doctorantes travaillant à temps plein étaient semblables. Toutefois, les chances d’être embauché à temps plein sont beaucoup plus faibles, et ce, à travers l’ensemble des domaines. Au niveau de la maîtrise, les revenus des récentes diplômées, trois ans après l’obtention de leur diplôme, étaient significativement plus bas que ceux des diplômés, même si les chances qu’elles soient à temps plein ne différaient pas.
Pour en savoir plus :
Jehn, A., Walters, D., & Howells, S. (2021). Employment and wage gaps among recent Canadian male and female postsecondary graduates. Higher Education Policy, 34(3), 724-746. (https://link.springer.com/article/10.1057/s41307-019-00162-0)
Est-ce que tous les étudiants universitaires en situation de handicap sont traités de la même façon ?
Druckman, Levy et Sands (2021) ont exploré les biais possibles que les services aux étudiants en situation de handicap pourraient avoir envers les étudiants ayant besoin de leur soutien. Ils ont notamment voulu vérifier la présence de biais racial et de biais envers les handicaps qui ne sont pas d’ordre physique.
Ils ont étudié les réponses d’un sondage envoyé à 618 intervenants dans des universités américaines. Les répondants devaient répondre à une mise en situation où un étudiant admis à leur université – sans être inscrit - leur demandait quels services pourraient lui être offerts. Huit profils d’étudiants pouvaient être présenté, variant selon la couleur de peau (afro-américain et blanc), la situation de handicap (déficience visuelle ou trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH)) et l’éthique de travail , c’est-à-dire si l’étudiant était décrit comme étant neutre (sans mention) ou travaillant (e.g. : mention de bonne réussite scolaire).
Les auteurs n’ont pas trouvé de biais racial dans leur étude. Toutefois, il semble que les personnes avec un TDAH, comparativement à celles ayant un handicap visuel, sont plus susceptibles d’être victime de biais s’ils ne mentionnent pas leur éthique de travail. Les auteurs théorisent que les étudiants rapportant un TDAH pouvaient être perçus comme paresseux et méritant moins d’accommodements. Ils ont évalué ce biais en demandant aux personnels d’estimer entre un et cinq, cinq étant le niveau le plus élevé, à quel point l’étudiant mérite des accommodements. À la suite de leur estimation par moindres carrés ordinaires, Druckman et al. ont constaté que la différence entre un étudiant avec TDAH avec preuve de son éthique de travail et un autre sans cette mention était de - 0,833, significatif à un niveau de confiance de 1%. Le coefficient restait négatif en vérifiant pour d’autres éléments, tels que la probabilité que l’étudiant reçoive des services au sein de l’institution et qu’il utilise les services offerts.
Cette étude, malgré son absence de stratégie d’identification de lien de cause à effet, éclaire néanmoins quant aux biais possibles qu’un étudiant en situation de handicap peut vivre. Les auteurs concluent en indiquant que ce biais peut se corriger en améliorant la perception des intervenants quant aux handicaps qui ne sont pas physiques.
Pour en savoir plus :
Druckman, J. N., Levy, J., & Sands, N. (2021). Bias in education disability accommodations. Economics of Education Review, 85, 102176. (https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272775721000947)
Impact de la crise de 2008 : est-ce qu’une crise économique influence le choix de domaine d’étude ?
Ersoy (2020) répond à cette question en comparant le taux de diplomation universitaire d’États américains fortement affectés par la crise avec ceux dont les effets se sont moins fait sentir. Utilisant un croisement de trois bases de données sur le marché de l’emploi, le nombre de diplômes octroyés et le suivi des récents diplômés sur le marché de l’emploi, l’auteur compare le pourcentage de diplômes obtenus dans deux secteurs : ceux dont les indicateurs du marché de l’emploi ont été sensibles à la crise et les secteurs où ces indicateurs sont restés stables.
Se servant d’une différence-en-différence pour estimer ses résultats, Ersoy confirme que les secteurs fortement affectés par la crise ont vu une diminution de leurs diplômés. Le pourcentage de diplômes attribués dans les secteurs sensibles par rapport à la totalité de diplômes a passé de 55% à 53,6%, une diminution de 1,4 points de pourcentages. Le pourcentage de diplômés provenant des secteurs résistants a plutôt augmenté de 1,5 points de pourcentage, passant de 45% à 46,5%. Ces résultats sont tous deux statistiquement significatifs à un niveau de confiance de 1%.
L’auteur continue en explorant l’impact chez les universités comprenant une majorité d’étudiants provenant de l’État dans lequel l’institution est implantée, partant de l’hypothèse que les étudiants locaux sont plus influencés par les conditions du marché du travail de l’État dans lequel ils étudient. On retrouve des résultats semblables à ceux énoncés plus haut dans les États avec un pourcentage d’étudiants locaux supérieurs à la médiane. Pour les États avec moins d’étudiants locaux, les résultats sont plus faibles (0,004% pour les secteurs résistants et -0,002% pour les secteurs sensibles) et non statistiquement significatifs.
Enfin, Ersoy étudie si les effets de la crise sont immédiats. En effet, la réduction du pourcentage de diplômes octroyés dans les secteurs sensibles est observable dès 2010.
Pour en savoir plus :
Ersoy, F. Y. (2020). The effects of the great recession on college majors. Economics of Education Review, 77, 102018. (https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272775719305795)
L’équipe de la veille de recherche vous souhaite de joyeuses fêtes!
Un petit mot de bienvenue
Bienvenue sur notre liste de diffusion! En démarrant ce projet, nous avons pour objectif de fournir un service à la communauté d’Enseignement supérieur.
L’appel aux inscriptions à cette liste fut un franc succès: en deux jours, nous avons recueilli plus de deux cents abonnés attitrés à plusieurs fonctions. Il y a de l’appétit!
Une fois par mois, nous publierons une synthèse d’articles qui ont retenu notre attention et qui sont liés à l’Enseignement supérieur. Les articles couvriront tantôt des sujets d’actualité, tantôt des sujets pérennes. Nous visons quatre à cinq articles par mois. Conséquemment, ce n’est pas tout qui sera couvert.
Pour autant qu’on soit en suffisance, ce n’est l’affaire que de quelques envois avant qu’on ne touche une corde sensible, ou qu’on ne présente un résumé de travaux s’éloignant d’une doxa quelconque. En cette matière - et ce sera peut-être la seule véritable ligne éditoriale de ce projet naissant -, nous précisons que nous abordons l’Enseignement supérieur comme objet de recherche. Nous diffusons des travaux jugés intéressants pour leur contribution scientifique, ou parce qu’ils s’appliquent à des enjeux modernes. Bien ce soit notre milieu de travail (!), nous tentons le plus possible de maintenir une distance face à l’objet d’étude.
Quant à notre « netiquette », nous modérons cette liste et la conservons à sens unique. On le fait avant tout pour tenir notre promesse d’un seul courriel par mois.
Bien sûr, rien de tout cela ne sera parfait. Nous manquerons certainement des articles importants, ou nous négligerons des sujets jugés importants par des lecteurs et lectrices. Le cas échéant, nous enjoignons les membres de cette liste à communiquer avec nous.
Pour tout le reste, nous espérons que les travaux présentés alimenteront vos réflexions quant à l’Enseignement supérieur, car c’est avec cette ambition que nous lançons cette veille.
Bonne lecture!
Pour l’équipe de la veille de recherche,
Pier-André Bouchard St-Amant
Protection des données des étudiants au sein des universités : quel rôle ont-elles à jouer ? – Brown et Klein (2020)
Les multiplications de fuites de données personnelles ont rendu la protection de ses propres données un enjeu important. À l’ère du Big data, comment les universités se sont-elles adaptées à cette réalité ? C’est la question sur laquelle Brown et Klein (2020) se penchent dans leur publication dans le Journal of Higher Education. En plus de s’intéresser à la manière dont les universités américaines traitent les données de leurs étudiants, ils ont également examiné l’implication des étudiants dans le processus de protection de leurs propres données.
À la suite de l’analyse des données de 78 établissements d’enseignement supérieur et de l’examen du discours politique de 151 institutions, les chercheurs en sont arrivés à la conclusion que les universités étudiées conservent indéfiniment les données des étudiants et que peu d’entre elles en informaient explicitement leurs étudiants. Ceux-ci sont très rarement informés de quelles données sont collectés, pour quelles fins, où elles sont conservées et si elles seront détruites un jour.
En outre, alors qu’historiquement les seules données que les universités pouvaient recueillir systématiquement étaient celles liées à la démographie, à l’inscription et à la réussite scolaire, les limites sont désormais moins définies. Les systèmes informatiques utilisés aujourd’hui par les universités permettent de récolter des données incroyablement précises sur les étudiants, comme leur adresse IP, l’identification unique de leur appareil électronique, leur temps de connexion et leur localisation en temps réel. Toutefois, les politiques universitaires quant à la gestion des données ne prennent pas ces nouveaux éléments en compte, ou si elles le font, n’informent pas leurs étudiants sur les moyens à leur disposition pour gérer leurs données.
Brown et Klein recommandent que les universités soient plus transparentes auprès des étudiants. Les travaux de Slade et Tait (2019) sur les grandes orientations à préconiser pour une utilisation éthique des données sont également un bon point de départ.
Pour en savoir plus :
Michael Brown & Carrie Klein (2020) Whose Data? Which Rights? Whose Power? A Policy Discourse Analysis of Student Privacy Policy Documents, The Journal of Higher Education, 91:7, 1149-1178, DOI: 10.1080/00221546.2020.1770045 (https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00221546.2020.1770045?journalCo…)
Human, S., & Cech, F. (2021). A human-centric perspective on digital consenting: The case of gafam. In Human Centred Intelligent Systems (pp. 139-159). Springer, Singapore. (https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-15-5784-2_12)
Slade, S., & Tait, A. (2019). Global guidelines: Ethics in learning analytics. (https://www.researchgate.net/publication/341425959_Global_guidelines_Ethics…)
L’impact des universités sur l’économie - Valero et Rennen (2019)
Valero et Rennen (2019) ont examiné l’impact de la présence d’universités sur le PIB par habitant de la région auxquelles elles appartiennent. Employant des données de l’UNESCO sur 15 000 universités à travers le monde, de 1950 à 2010 et utilisant un modèle statistique à effets fixes, leurs résultats suggèrent qu’une hausse de 10% du nombre d’universités dans une région donnée est liée à une augmentation de 0,4% du PIB par habitant de cette région. Les auteurs ne peuvent toutefois pas conclure en un lien de cause à effet.
Les auteurs ont également noté qu’une telle hausse du nombre d’universités pouvait avoir un effet négatif sur les régions voisines : les auteurs estiment une diminution de 0,3% du PIB par habitant des régions géographiquement rapprochées de la région visée par l’augmentation du nombre d’universités. Valero et Rennen ont par la suite voulu vérifier que cette hausse n’était pas uniquement due à la hausse de la consommation. Sans accès à une variable instrumentale de qualité, ils n’ont pas pu infirmer ou confirmer cette hypothèse.
Pour en savoir plus :
Valero, A., & Van Reenen, J. (2019). The economic impact of universities: Evidence from across the globe. Economics of Education Review, 68, 53-67. (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0272775718300414)
Embaucher des étudiants : quels effets sur la réussite scolaire de leurs élèves? – Feld, Salamanca et Zölitz (2019)
De nombreux laboratoires (aussi appelés assistances de cours) sont donnés par des étudiants. Ils aident leurs pairs, par des exercices pratiques, à comprendre la matière vue en classe. D’un côté, ils fournissent une aide additionnelle, mais cette aide est-elle substantive?
Afin d’en avoir le cœur net, Feld, Salamanca et Zölitz (2019) ont examiné les données de 2009 à 2015 d’une école de commerce néerlandaise, qui offre chaque trimestre deux laboratoires hebdomadaires de deux heures pour chaque cours. Tous les instructeurs d’un niveau supérieur à la maîtrise ont été catégorisés comme senior et leurs laboratoires sont utilisés à titre de référence pour comparer ceux dirigés par des étudiants.
Leur modèle de régression multiple leur permet de voir que le fait d’avoir un étudiant comme instructeur est lié à une réduction de 1,7 % d’écart-type des notes finales que reçoivent les étudiants suivant le cours. Même si cette diminution est statistiquement significative, l’effet sur les notes reste marginal, suggérant un effet presque identique aux instructeurs de maîtrise. Bien que leurs résultats se généralisent difficilement en raison du modèle simple que les auteurs emploient, ils indiquent néanmoins qu’il n’y a à peu près pas d’effets négatifs à embaucher des étudiants.
Pour en savoir plus :
Feld, J., Salamanca, N., & Zölitz, U. (2019). Students are almost as effective as professors in university teaching. Economics of Education Review, 73, 101912. (https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3435364)
Recherche sur la réussite scolaire : historique des cinquante dernières années
Le gouvernement du Québec met la réussite scolaire des étudiants au centre de ses priorités dans son nouveau plan budgétaire 2021-2022, en introduisant le Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur 2021-2016 qui se traduit en des investissements de 100 M$ dans la réussite des étudiants universitaires (MES, 2021a). Cependant, comment la réussite scolaire est-elle évaluée ? Plusieurs variables entrent en jeu : notes, persévérance scolaire, salaire post-graduation, travailler dans le domaine de ses études, etc. Holmes (2021) a tâché de recenser toutes les études portant sur la réussite étudiante publiées dans la Revue canadienne d’enseignement supérieur (RCES) depuis 1971 afin d’identifier les priorités des chercheurs dans ce domaine, mais surtout de cibler comment mieux aider les étudiants tout au long de leur parcours universitaire.
Holmes ressort donc de la littérature que le peu d’emploi disponible pour les diplômés en sciences humaines compte parmi les principales inquiétudes des chercheurs depuis les 50 dernières années. Aussi, les faibles opportunités d’emplois des doctorants au sein des universités conjuguées à une forte croissance du nombre de docteurs au Canada, augmente la compétition entre les gradués.
Holmes note aussi que peu de données sont disponibles sur la persévérance des étudiants une fois qu’ils ont quitté leur institution, élément pourtant essentiel à leur réussite. Connaître le nombre d’étudiants travaillant effectivement dans leur domaine d’étude est une caractéristique peu étudiée de la réussite étudiante. Enfin, Holmes met de l’avant que peu de recherches ont auparavant étudié la satisfaction des étudiants par rapport à leur scolarité universitaire, tout comme les facteurs psychosociaux influençant la réussite scolaire.
Au Québec, le gouvernement a choisi d’orienter son Plan d’action pour la réussite selon quatre axes, soit l’accessibilité, les transitions interordres et intercycles, la persévérance et la consolidation et le transfert des connaissances en matière de réussite (MES, 2021b). Ce dernier point vient renforcer la position de Holmes, qui milite pour un meilleur accès aux données permettant d’évaluer la réussite des étudiants.
Pour en savoir plus :
Holmes, J. R. (2021). An Examination of Student Success within Canadian Higher Education: Fifty Years of Findings and Recommendations for the Future. Canadian Journal of Higher Education, 13-32. (https://journals.sfu.ca/cjhe/index.php/cjhe/article/view/189127)
Ministère de l’Enseignement supérieur (2021a). Règles budgétaires et calcul des subventions de fonctionnement aux universités du Québec : année universitaire 2021-2022 (http://www.education.gouv.qc.ca/references/tx-solrtyperecherchepublicationt…)
Ministère de l’Enseignement supérieur (2021b). Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur 2021-2016 (https://www.quebec.ca/gouv/politiques-orientations/plan-reussite-enseigneme…)